Vous abordez sereinement le problème et posez trois hypothèses qui me semblent recevables. Essayons d’y répondre.
Le juge déciderait de ce qui constitue ou non une « qualité essentielle » en droit français – indépendamment des convictions ou croyances des intéressés. La « qualité essentielle » le serait alors pour la société – ou à tout le moins la justice – française.
Mais cela engage aussi le fait que nous acceptons que la justice applique les textes en fonction de la sensibilité du juge ; une justice qui deviendrait à autant de vitesse qu’il existe de sensibilité des juges. C’est une voie extrêmement dangereuse à mon sens !
Le caractère « essentiel » serait à apprécier non par le juge, mais par les intéressés. C’est semble-t-il ce qui a été retenu par le tribunal lorsqu’il affirme que « sa virginité (..) avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de son époux ».
Nous sommes d’accord sur le risque, mais, dans le cadre d’une union entre deux personnes, n’est-il pas légitime que les deux parties choisissent leur conjoint en fonction de leur sensibilité, leurs convictions, qui aboutissent à des qualités essentielles qui peuvent être non-conformes à une certaine approche conformiste ? N’est-ce pas aussi un point important qui mette en exergue l’expression de la liberté individuelle ? Dès lors que dans le but de contracter, que les cocontractants sont en accord sur les clauses du contrat, qu’il soit moral ou de tout autre ordre, qui est apte à en juger les fondements sans remettre en cause l’expression de la liberté individuelle ?
Je rappelle, si cela est nécessaire que la justice a tranchée non pas sur le ressenti de l’intéressé, mais le ressenti des deux intéressés ; il y a une nuance non négligeable. Dans le premier cas, il est posé l’hypothèse qu’une seule des parties pose des conditions irréfutables (par différents moyens) par l’autre. Dans le second, les deux parties sont en accord total sur les conditions de leur union.
Le tribunal aurait à prendre en compte la sensibilité (religieuse, coutumière…) des intéressés, mais, entrant dans le système de valeur des intéressés, il devrait également lui-même évaluer le degré d’importance pour le demandeur. Le caractère « essentielle » ne serait alors défini ni selon la sensibilité seule du tribunal ni selon la seule déclaration du demandeur. Mais le tribunal aurait à décider si, compte tenu des croyances du demandeur, telle qualité est bien « essentielles » selon les convictions de ce dernier. La décision serait alors prise en fonction du jugement qu’aurait le tribunal des croyances du demandeur.
Ceci est totalement inacceptable. Il est impossible de juger l’importance que revêt une qualité essentiel pour une personne de la part d’une autre qui ne partage ni sa culture, ni ses convictions, … Là nous serions réellement en rupture avec la laïcité dès lors que la qualité essentielle serait déterminée par des préceptes religieux !
Comme je l’ai exposé dans un précédent article, le problème posé est complexe car il pose une question dont la réponse se situe entre l’expression de la liberté individuelle et l’expression de ce que pense une majorité ; c’est l’opposition fréquente entre la liberté individuelle permettant à chacun de se forger ses propres valeurs essentielles, et le poids du conformisme issu des valeurs communément admises dans un groupe social, que cela soit une communauté ou une société. Devons-nous user des comportements communautaires pour lutter contre le communautarisme ?
D’autre part, si la laïcité a pour but de séparer la sphère publique et la religion, elle permet tout autant à chacun de nous, dans la sphère privée, de penser et de faire ce que bon nous semble dès lors que nous ne sommes pas en opposition avec les lois de la République. Le mariage est à la frontière entre les deux ; il émane d’une démarche totalement individuelle ; donc de la sphère privée ; qui se caractérise par une contractualisation dans la sphère publique pour les besoins de l’état civil. Il est donc, pour ma part, évident que tout ce qui précède l’acte de contractualisation est du ressort de la sphère privée des cocontractants ; la société n’a pas à intervenir sauf à empiéter sur la sphère privée, remettant en cause l’un des pans de la laïcité.
24/06 19:11 - Oudeis
@Dolores Le mariage ne se réduit certes pas à un contrat pour les époux. Toutefois, au niveau (...)
24/06 18:41 - Dolores
A mon humble avis, il faudrait d’abord s’interroger sur l’institution du (...)
06/06 00:52 - fonzibrain
c’est quand même délirant de voir certain géné par cette décision de justice. un (...)
05/06 11:45 - Castor
Nous touchons au but ! J’entends que nous ne nous rejoindrons pas sur les quelques (...)
04/06 21:42 - Oudeis
@Serpicio "Vous ne trouvez pas que votre réponse est spécieuse ?" Non. (...)
04/06 20:33 - Oudeis
@Castor "Il ne s’agit pas de dire que la qualité essentielle de toutes les (...)
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