Pendant que la ministre de l’Economie annonce un nouveau plan de luttes contre les niches fiscales, ses services en créent à tour de bras.
C’est un exercice obligé pour tout ministre des Finances qui se respecte : annoncer, au nom de l’équité fiscale, un implacable plan de chasse aux niches fiscales. C’est à dire aux éxonérations, abbatements et autres franchises accordées à certaines catégories de contribuables. Il y a vingt ans que ça dure, et Christine Lagarde n’a pas dérogé à la règle. Mais dans un registre modeste : elle se contentera de "plafonner" cinq "niches".
Gain pour les finances publiques : quelques dizaines de millions, 100 tout au plus. On est loin de la sauvagerie :
les niches permettent à 3900 gros contribuables d’échapper à tout impôt sur le revenu, et privent l’Etat de 43 milliards de recettes, une somme supérieure au déficit budgétaire !!
A peine élu, le Président avait pourtant promis, le 20 juin 2007, devant les parlementaires UMP, de "nettoyer les niches fiscales". Avant lui, un certain Sarkozy, alors ministre des finances, avait commandé à ses collaborateurs, à l’été 2004, un rapport sur la question. Aussitôt enterré.
Auparavant, Villepin et son ministre des Finances, Thierry Breton, avaient lancé, fin 2005, un vaste plan de "suppression et plafonnement" des niches. Encore enterré sous les coups de boutoir des lobbies...
En veux tu, en voilà
En novembre 2003, c’était francis Mer qui, depuis Bercy, annonçait la "réduction des niches fiscales, parallèlement à la diminution de l’impôt sur le revenu". On attend toujours. Bref, autant de plans qu’il y eut de ministres.
Résultat, jamais les niches fiscales ne sont si bien portées. Pour le seul impôt sur le revenu, on en dénombrait 75 à la fin des années 80, elles sont 254 aujourd’hui. Leur liste tient du bric à brac,
défiscalisation des interêts du Livret A,
prime pour l’emploi, abattement pour les salariés à domicile, demi-part supplémentaire pour les personnes élevant seules un enfant, taux réduits de la TVA, etc...
Il y en a même pour les scaphandriers, les chanteurs d’opéra et les journalistes. Mais le plus drole, c’est que, pendant cette chasse aux niches, celles ci se reproduisent, se multiplient et prospèrent. En un an, Sarkozy a crée plus de 10 milliards d’euros de nouvelles niches :
défiscalisation des heures supplémentaires ( environ 6 milliards) et des interêts d’emprunts immobiliers ( 2 à 3 milliards),
ISF (près de 1 milliard). Et d’autres sont en préparation ( énergies propres, achat d’oeuvres d’art contemporain, etc..).
C’est même devenu un moyen de camoufler les dépenses. Plutôt que d’accorder un crédit ou une subvention à une activité -
ce qui augmente la dépense publique et fait froncer les sourcils à Bruxelles- , il est plus discret de renoncer à un impôt pesant sur cette activité. En 2008 par exemple, alors que les dépenses du budget doivent rester stables, les "dépenses fiscales" -le nom administratif des niches- augmenteront, elles, de 7%.
Malgré le plan Lagarde...
Article par Hervé Martin, extrait du canard enchainé