Je vais être très long, pardonnez-moi. Mais il me semble qu’il est important de savoir de quoi l’on parle. Je ne suis pas juriste mais je sais lire, enfin je crois...
Et qu’on arrête de me parler de manipulation des nonistes...
Qui a lu ces foutus traités ?
En ce qui me concerne, j’avais lu les quelques 258 pages du Traité établissant une constitution pour l’Europe (publié dans le journal officiel de la République française le 10 mars 2005). Bon, d’accord, j’avais survolé certains passages barbants et surtout démago, notamment dans la partie 2 (j’admets qu’on y trouve tout de même de belles choses pleines d’humanisme).
Par contre, certains passages des parties 1 et 3 m’avaient hérissé les poils. Par exemple au début : " l’Union oeuvre pour [...] une économie sociale (?) de marché (? !!!) hautement compétitive ". Qu’est-ce que ça veut dire ? On retrouve cette formule dans le "mini-traité" (qui fait tout de même 287 pages !!!).
Sur les institutions "démocratiques" il y a de quoi pâlir : " Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission (remplacé aujourd’hui par Commission européenne) [...]. Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance. [...] les membres de la Commission ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement, institution, organe ou organisme ". Seul le président de la commission est élu par le parlement, qui peut, je vous l’accorde, adopter une motion de censure contre la commission entraînant sa dissolution. Notons que c’est la Commission qui "représente" l’Union européenne à l’étranger (sauf dans certains cas bien précis).
Sur les pouvoirs de la Banque Centrale Européenne (une institution hautement démocratique comme vous le savez), il y a de quoi vomir aussi. La cour des comptes, c’est pas mal non plus...
Leur principe de "démocratie participative " est risible. En gros, il faut réunir au moins un million de gens, "ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres", pour pouvoir "inviter la Commission" à soumettre une proposition au parlement et au conseil. On a le droit d’assister aux assemblées (Conseil et Parlement), qui n’ont que le droit de voter, mais pas aux réunions de la commission ou des autres institutions (qui "écrivent" les lois).
La partie économie n’est rien d’autre que l’institutionnalisation du libéralisme économique. Dans le genre d’aberration qui en disent long, il est écrit que les sociétés a buts lucratifs sont considérées comme des personnes physiques et peuvent donc se déplacer, s’implanter librement en étant soumises aux règles de droit national du pays cible. Par contre, une société a buts non-lucratifs ne bénéficie pas de cette liberté. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Je rappelle qu’il s’agit d’un texte constitutionnel. On y trouve des sentences comme :
" La libéralisation des services des banques et des assurances qui sont liés à des mouvements de capitaux doit être réalisée en harmonie avec la libéralisation de la circulation des capitaux. "
" [...] les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. "
" Les comptes de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales sont vérifiés par des commissaires aux comptes extérieurs indépendants désignés sur recommandation du conseil des gouverneurs et agréés par le Conseil. "
" 1. Le bénéfice net de la Banque centrale européenne est transféré dans l’ordre suivant :
a) un montant à déterminer par le conseil des gouverneurs, qui ne peut dépasser 20 % du bénéfice net, est transféré au fonds de réserve générale dans la limite de 100 % du capital (qui est de 5 milliard d’euro) ;
b) le bénéfice net restant est distribué aux détenteurs de parts de la Banque centrale européenne
proportionnellement aux parts qu’ils ont libérées. " (Ce sont donc des privés qui contrôlent l’émission de la monnaie et qui en tirent bénéfices).
"La Banque centrale européenne jouit sur le territoire des Etats membres des privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de ses missions, selon les conditions définies par le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne. "
Ils sont forts ces financiers...
Tous les coups sont permis. Par exemple, la Banque européenne d’investissement. Son capital est souscrit pas les Etats membres (notre argent quoi : 26, 6 milliards d’euro pour la France), qui sont responsable à hauteur du capital souscrit. Il s’agit ni plus ni moins d’une banque d’investissement, qui peut :
" a) elle peut effectuer des placements sur les marchés monétaires ;
b) sous réserve des dispositions de l’article 18, paragraphe 2, elle peut acheter ou vendre des titres ;
c) elle peut effectuer toute autre opération financière en rapport avec son objet. "
(spéculation, buisiness et tout le tralala...)
On lit aussi, page 145 : " Les locaux et les bâtiments de l’Union sont inviolables. Ils ne peuvent être perquisitionnés, réquisitionnés, confisqués ou expropriés. [...] Les archives de l’Union sont inviolables. " (cela s’applique bien entendu, aux institutions financières précitées)
Plus loin : " L’activité de la Banque et de ses organes, s’exerçant dans les conditions prévues par le statut du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, ne donne pas lieu à l’application des taxes sur le chiffre d’affaires. [...] Le présent protocole s’applique également à la Banque européenne d’investissement, aux membres de ses organes, à son personnel et aux représentants des Etats membres qui participent à ses travaux, sans préjudice du protocole fixant le statut de celle-ci. La Banque européenne d’investissement est, en outre, exonérée de toute imposition fiscale et parafiscale à l’occasion des augmentations de son capital ainsi que des formalités diverses que ces opérations pourront comporter dans l’Etat du siège. De même, sa dissolution et sa liquidation n’entraînent aucune perception. Enfin, l’activité de la Banque et de ses organes, s’exerçant dans les conditions statutaires, ne donne pas lieu à l’application des taxes sur le chiffre d’affaires. "
Et pour couronner le tout : " Les Etats membres [...] se déclarent disposées à réexaminer le capital dont la Banque européenne d’investissement a besoin, dès que cela sera nécessaire à cet effet. "
Parmis les territoires d’outre mer qui bénéficient des règles économiques inscrites dans la constitution (circulation des biens et personnes, liberté d’implantation, détaxation etc.), on trouve les îles Caymans, les îles Vierges britanniques, ou encore les Bermudes, entre autres paradis fiscaux...
Voilà les principales raisons pour lesquelles j’ai voté NON au référendum.
Qu’en est-il aujourd’hui avec ce nouveau texte ?
Dans le " Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ", qui ressemble pas mal au précédent texte, on trouve des formules aussi séduisantes que : " L’Union définit et mène des politiques communes et des actions et oeuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin :
[...] e) d’encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international ;
[...] h) de promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale. "
Le pouvoir de légiférer en matière d’économie est retiré aux états membres (à très peu de choses près).
Le respect des règles concernant la protection des données personnelles " est soumis au contrôle d’autorités indépendantes " (? ??).
On lit aussi, page 108 : " L’intitulé du titre XI "POLITIQUE SOCIALE, ÉDUCATION, FORMATION PROFESSIONNELLE ET JEUNESSE" est remplacé par l’intitulé suivant : "POLITIQUE SOCIALE" renuméroté IX ; l’intitulé "Chapitre 1 - Dispositions sociales" est supprimé. " (bon, on oublie les dispositions sociales. Simplifions, simplifions...)
Mais on ajoute l’article 136bis, dans lequel on peut lire : " [...] Le sommet social tripartite pour la croissance et l’emploi contribue au dialogue social. " Il est présidé conjointement par le président du Conseil et celui de la commission. On y trouve aussi deux délégations égales comprenant dix représentants des travailleurs et dix représentants des employeurs. Le sommet social tripartite doit se réunir au moins une fois l’an. Faut voir, mais ça sent l’arnaque…
Ensuite, entre les pages 110 à 120 à peu près, on rajoute des petites phrases précisant que le parlement sera tenu informé de ceci ou cela. On lit aussi qu’on prendra soin des zones rurales, ou encore des chercheurs ; on s’attarde un peu sur le défi du changements climatique, sans proposer grand chose pour autant...
On se soucie d’énergie, on déclare qu’il faut garantir l’approvisionnement de l’Union. On veut aussi promouvoir le tourisme (euh... c’est pas un peu contradictoire avec le souci de préserver l’environnement ?)
Plus loin, on rajoute un petit alinéa sympathique : " [...] l’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres."
A ce sujet l’article 188C inséré dans le Titre II (La politique commerciale commune) est assez édifiant...
Concernant le terrorisme (réel ou supposé), c’est assez flippant aussi. On peut lire, dans la clause de solidarité, que " L’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres, pour :
a) - prévenir la menace terroriste sur le territoire des États membres ;
- protéger les institutions démocratiques et la population civile d’une éventuelle attaque terroriste ;
- porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, dans le cas d’une attaque terroriste ; [...] "
On lit, dans les dispositions juridiques, que la Commission (organe non élu, je le rappelle) " estime" si tel ou tel Etat a pris les mesures arrêtées par la Cours (de justice européenne) et " indique le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par l’État membre concerné ".
On lit aussi, c’est l’un des articles ajoutés, que " La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base. [...] " (article 240bis).
En clair, si la Commission fait passer un règlement établissant par exemple " l’état d’urgence " (ce ne serait pas formulé comme ça, mais passons) pour cause d’attaque terroriste (je dis ça au hasard), et qu’elle définit pour ces circonstances exceptionnelles les règles liberticides que doivent adapter les pays membres ; et bien aucun recours ne serait possible auprès de la Cours européenne de justice pour défendre nos droits.
D’autant plus que dans l’article suivant, le 240ter : " [...] la Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente pour vérifier la validité ou la proportionnalité d’opérations menées par la police ou d’autres services répressifs dans un État membre, ni pour statuer sur l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure. " (en gros faudra pas compter sur la justice européenne pour calmer les ardeurs sécuritaires d’un Sarko)
Le protocole sur l’Eurogroupe (le nom donné à la communauté économique européenne) établit que les ministres des Etats membres, les membres de la commission et si elle le souhaite, la BCE, se réunissent " de façon informelle (c’est à dire opaque) […] pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique. "
Ces quelques éléments justifient selon moi le NON des irlandais au présent traité. Si on m’avait demandé mon avis lors d’un référendum, je me serais opposé à cette arnaque démocraticide.
17/09 14:16 - Alin Tranca
Je vous réponds un peu plus d’un an après votre réjouissance (que je partage) avec cette (...)
18/06 11:03 - plume
petite note pour tous ceux qui votent oui à des textes qu’il ne comprennent pas envoyé (...)
16/06 22:38 - FYI
Mais qu’est-ce qui a pu se passer au détriment des travailleurs et de la population (...)
16/06 21:39 - phiconvers
La publication de cet article m’ayant été refusée par les gardiens du temple agoravoxien, (...)
16/06 20:08 - Plum’
Je suis tout à fait d’accord sur la langue commune : c’est la faute numéro 1 de (...)
16/06 18:03 - franc
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