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Commentaire de Henrique Diaz

sur Irlande : Non au traité de Lisbonne ! Oui à l'Europe ?


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Henrique Diaz Henrique Diaz 15 juin 2008 18:57

A Imhotep,

Quand vous dites "Ce qui a été extraordinairement détestable dans ce combat - pour les tenants du non c’était la pression médiatico-politique pour le oui, la pensée unique du oui, sans doute - c’était deux arguments d’une malhonnêteté épouvantable."...

Vous dites ensuite ne pas insulter les nonistes, mais là vous les traitez soit d’épouvantables malhonnêtes, soit de stupides pour s’être fait prendre à de telles horreurs, mais passons...

"L’un était le fameux plan B qui n’a jamais existé et dont le résultat est ce vote non de l’Irlande qui prouve définitivement qu’il n’y avait pas de plan B et j’y reviendrai. C’était malhonnête car les leaders qui l’utilisaient savaient que c’était faux. Ils avaient là un de deux arguments qui ont fait pencher la balance. En gros ils disaient voter non, de toute façon cela n’aura pas de conséquence. La preuve est faite que c’est faux."

D’abord, il y avait à l’évidence un plan B, c’était le Traité de Lisbonne, qui n’a certes pas pu constituer une réponse satisfaisante pour les nonistes mais qui permettait au moins de mieux mettre en évidence l’essence de ce traité et de ses possibiles avatars : si les peuples posent problème quand on leur propose de renoncer de fait à leur souveraineté décmocratique, squeezons les peuples en passant outre leurs votes en défaisant au parlement, qui n’a pourtant qu’un pouvoir de délégation, ce que le peuple a fait, en toute souveraineté. Et si vraiment il n’est pas possible de procéder à une ratification parlementaire (il est plus facile d’acheter une centaine d’hommes qu’un peuple), parce que leur constitution l’interdit, et qu’un peuple pourtant bourré de subventions européennes dit non, appelons cela "incident de parcours" etc.

Bien sûr ce plan B ne pouvait convenir qu’à des ouistes et bien sûr il ne pourra y avoir de plan B effectif que le jour où ouistes et nonistes d’Europe seront acculés à s’entendre sur un traité simple, uniquement institutionnel et authentiquement démocratique (ce qui interdit toute tentative de constitutionnaliser ou même simplement de définir par avance le principe selon lequel une option politique, en l’occurrence néo-libérale mais peu importe, serait la seule option possible dans les politiques à venir, quelle que soit leur couleur.

Par ailleurs, pour avoir voté non, je n’ai jamais eu le sentiment d’entendre un leader dire que ce vote serait sans conséquence. Au contraire, il s’agissait de (re)-mettre l’Europe sur les rails de la démocratie et de la protection des peuples plutôt que leur sacrifice sur l’autel de la merveilleuse concurrence libre et non faussée. Certes, c’était sous-estimer la capacité des médias détenus par les pouvoirs financiers à noyer le sens de ce non sous d’interminables éditoriaux et commentaires oui-ouistes, si bien qu’au final, c’est bien ce qui s’est passé : rien n’a changé. Et cela continuera de se passer tant qu’un parti avec volonté de gouverner et qui ne prend pas le mot démocratie pour un vain mot ne se sera pas fait élire dans un pays important (un tel parti n’existe manifestement pas en France, il y en a peut-être un embryon avec Die Linke en Allemagne).

"Le second argument qui me faisait bouillir d’indignation était d’attribuer à ce fameux traité tous les maux des autres traités notamment celui de Nice et pour d’autres de Maastricht. Ils faisaient croire qu’en votant non on ferait disparaître ceux-ci. "

Je n’ai jamais cru cela et je ne vois personne qui ait tenté de me le faire croire. Mais comme je le disais plus haut, je n’estimais pas qu’en passant d’une eau à 100° à 70° j’étais tenu de dire merci à ceux qui prétendent dissoudre toute possibilité de souveraineté citoyenne nationale dans le libre-échangisme européen quand il faudrait que l’Europe serve au contraire à renforcer les souverainetés nationales en mettant en place une souveraineté européenne sur les questions qui nous concernent à un niveau continental.

"Ceci n’est évidemment pas valable pour ceux qui étaient contre l’Europe pour des raisons politiques (anti-libéraux) ou de posture (les souverainistes). Mais ils - quand je dis " ils " je pense à ces seuls leaders politiques qui n’ont joué qu’à surfer sur la vague du non pour se refaire une virginité et une nouvelle notoriété à bon compte, je pense notamment à Laurent Fabius qui, il ne faut pas l’oublier a été un fervent jeune giscardien dans sa jeunesse et ne trouvant plus d’espace politique, lui qui fut socialo-libéral, s’est classé à la gauche de la gauche du PS - ont mélangé leurs arguments de fond avec ces faux arguments de forme. Et cela a été fort détestable."

N’étant ni anti-libéral, ni souverainiste mais pour un marché régulé par des principes faisant passer la volonté générale avant la volonté des détenteurs de capitaux, je ferais donc partie des naïfs qui se sont fait berner par les arguments ’grossièrement fallacieux’ de Laurent Fabius... Eh bien, je crois qu’à naïf, naïf et demi : penser que le TCE ou son avatar lisbonnais était bon parce que c’est Giscard qui l’a fait, parce que Nice c’était pas bien et finalement parce que l’idée européenne mérite qu’on ferme les yeux sur les pires insultes faites à la dignité des européens, jugés de fait infoutus d’élire de bons représentants si l’on ne fixe pas par avance quelles seront les seules lignes politiques qu’ils pourront adopter... tout cela vous a surtout servi à éviter de lire le texte d’assez près pour voir qu’au lieu de représenter un pas vers l’idéal hugolien des Etats unis d’Europe, ces textes n’en sont que l’enterrement en grandes pompes.

Quant à ce que vous dites sur Fabius, il aurait "surfé sur la vague du non" à des fins électorales. Mais vous oubliez qu’il avait pris position en faveur du non alors que le oui était encore très haut dans les sondages. Par ailleurs, il a à l’évidence pris ainsi un risque irréversible pour sa carrière politique : alors qu’il était encore vanté dans les médias du parti de la presse et de l’argent quelques mois auparavant comme un bon ministre des finances, moderne et dynamique, il est devenu à la suite de son gauchissement d’après le 21avril, le dernier des ringards, doublé d’un traitre (à la cause néo-libérale), aux yeux de nos éditorialistes patentés, admirateurs de Sarkozy dont la fidélité à lui-même et aux siens est légendaire. Et c’était parfaitement prévisible. Il aurait été beaucoup plus confortable pour lui de s’assurer un avenir politique serein en ne prenant pas l’idéologie dominante à rebrousse poil, dans un gouvernement social-libéral, aux plus hautes fonctions, voire comme "ministre d’ouverture" dans un gouvernement UMP s’il venait à être aussi grillé au parti qu’un Kouchner. De plus, si ses intentions n’avaient été qu’électoralistes, il n’aurait eu que des arguments pour la "forme", comme vous dites, il n’aurait pas pu donner de si bons arguments à des types comme Etienne Chouard. Cela dit, il reste bien trop hésitant et vague pour constituer un espoir à gauche.


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