La virtualisation cesse au moment où les pertes ou gains sont réalisés. Un peu comme au casino. On a des morceaux de plastique en main, mais en sortant, soit l’on fait un chèque, soit l’on encaisse. Et là, plus rien n’est virtuel. Mais on en revient toujours à la même fin : la spéculation est l’ennemi mortel du travail. Et ce n’est jamais que cela, les subprimes. De la spéculation sur des plus-values potentielles (et c’est là que le système bancaire a menti : pas besoin d’études approfondies en finance), émiettées (titrisées) et vendue un produit comme un autre. Retournez les mensonges autant que vous voulez, il ne s’agit que d’un éclatement de la perte. Pour résumer, les produits dérivés, c’est du pipeau, de la spoliation.
Car ces emprunts pourris ont servi à faire de la consommation "instantanée" outre-atlantique. Des gens se sont payé des maisons et des produits manufacturés, pour faire de belles statistiques instantanées. Là où c’est fort, c’est que des banques de tous les continents ont acheté ces titres, les ont revendus des dizaines de fois. Et comme dans toutes les bulles, personne ne perd vraiment tant que l’éclatement n’a pas eu lieu.
Donc ces titres, qui en fait ne correspondaient qu’à des emprunts dont le premier épicier de quartier aurait compris qu’ils étaient doublement aléatoires (croyance que le marché immobilier allait croître éternellement, et qu’en cas de coup dur, les ménages déjà très lourdement endettés, ou à qui l’on avait fait miroiter des promesses intenables, du fait de leur solvabilité insuffisante, pourraient couvrir le risque), on se retrouve à assumer une partie du risque. Les pertes de nos banques (et de celles des autres pays qui ont investi dans cette gabegie) correspondent donc bien à la réduction de la dette de consommation des ménages américains vis à vis de leurs banques par les ménages européens et d’ailleurs.
Enfin, pour ce qui est de la capacité à faire de plus grands projets grâce à l’échelon européen, mon argument est simple : les dizaines de milliards de cadeaux fiscaux faits par l’état aux entreprises du CAC40, dont près de la moitié est détenue par des investisseurs étrangers pourraient être utilisés différemment. Si nos éminences grises servaient l’intérêt général, elles pourraient fort bien convertir ces cadeaux en prêts à taux indexés sur le coût de l’argent, afin de corréler le développement des pays à l’activité de ces mêmes entreprises. Hélas, ce scenario semble trop aléatoire à ceux qui veulent de l’argent facile, car il implique de rembourser les cadeaux indus mais qui font du bien au portemonnaie de l’actionnaire. Et il s’en trouve toujours pour dire que le "travailleur français" coûte bonbon, alors que c’est l’ensemble des contribuables qu’on tond comme des moutons à tous les stades de la chaîne.