Tout n’a pas explosé. Sarkozy fait tenir les choses ensembles par la vitesse à laquelle il produit des déclarations et des images, qui se chevauchent et se contredisent au moins partiellement. Cette vitesse lui permet de garder un coup d’avance sur chaque mécontentement.
Prenons par exemple une grève. À mon avis, cela signifie apprendre une très mauvaise nouvelle pour les futurs grévistes. Ils doivent la digérer, la comprendre, se réunir, décider de la grève, fixer une date, lancer un appel à faire grève, organiser les piquets et j’en oublie certainement. Cela prends du temps. Durant cette période, Sarkozy aura fait du bruit avec l’Europe, la France, l’économie, les taxis, la pollution, les Irlandais, l’UMP ou l’UPM, les pêcheurs, sa femme et bien d’autres choses. Ce bruit a rendu la très mauvaise nouvelle très brouillée, inaudible et invisible. Elle sera encore plus inaudible avec une presse mise au pas. Quand ces derniers feront grève, il y aura eu beaucoup de bruit sur beaucoup de médias. Les raisons de la grève et son sens auront disparu.
Les grévistes se retrouvent dans une position inconfortable. Ils sont en train de lutter contre une chose qui a disparu des airs et qui est devenue incompréhensible. Ils doivent répéter sans cesse quelque chose qui est très loin de l’actualité du moment en temps et en pertinence. Ils sont dans une dynamique qu’ils ne contrôlent pas et qu’ils tentent de perturber. Vu la vitesse de son évolution, ils subissent. Ils sont hors jeu.
D’autres groupes ont subi entre temps d’autres mauvaises nouvelles et sont eux même occupés par le même processus qui a amené la grève. Ces autres groupes ne peuvent pas s’associer aux grévistes. Ils ont d’autres soucis et poursuivent d’autres buts. Ils tentent de survivre de leur côté.
La grève devient ainsi invisible et son succès devient, disons, minimal. C’est un succès pour Sarkozy. Il s’en est vanté récemment devant ses amis politiques. La situation "globale" en devient stable. Le pays continue de fonctionner. Ses réformes passent. Ses échecs deviennent invisibles. Sa "communication" les minimise et il y a toujours quelque chose qui peut être vu positivement à claironner. Le pays reste calme. Il évolue vers ce qui est appelé de tous leurs voeux par les gens dit néolibéraux, grands patrons, ayatollah du marché. Les couleuvres sont avalées. Elles sont si nombreuses que toute l’énergie de leurs victimes est occupée à survivre à cette ingestion.
Cette politique peut durer. Ses victimes sont paralysées. Ses privilégiés sont encouragés, soutenus, dynamisés, libérés, unis, encouragés. Ses privilégiés ont une idée du monde qu’ils voient marcher, qui est efficace car elle les enrichit. Ces gens savent ce qui est bien, ce qui marche. Ils le vivent tous les jours. Ils savent dans quelle direction il faut agir pour améliorer les choses. Ils ont une claire définition des obstacles à surmonter. Toutes les contradictions en deviennent des aberrations, des incongruités, des non-sens pour les bénéficiaires de cette politique.
Ils ont l’initiative, la foi en eux mêmes et personne en face.
Je déteste cela. Mais Sarkozy a créé une situation en France. Elle est difficile, très dynamique, multiforme complexe. Mais, ll la contrôle, montre sa compétence et satisfait son goût du pouvoir. Cette position suscite soutien et admiration pour sa personne. Arriver à ce résultat est remarquable. Il a réussi à imposer à tout un pays sa personne, son gôut du pouvoir, sa vision du monde, ses idées, ses désirs, sa vie privée. Il a réussi à susciter des soutiens absolument sincères, profonds et très forts pour sa personne par son action. À ce titre, il est extraordinaire. Il est vraiment très fort. C’est le président de toute la France et de tous les Français. Chacun est obligé de subir sans pouvoir se défendre ou très mal ou bénéficie vraiment de son action (plus rare, mais puissants) ou doit admettre que ce type contrôle la situation. Cela fait de lui le président de tout le pays. Le pays reste calme.