• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Christophe

sur Burqa ou francité


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Christophe Christophe 18 juillet 2008 22:48

@JL,

Vous dites dans le post précédent : "C’est au nom de valeurs universelles qu’on est allé civiliser les "sauvages".

Etes-vous sérieux ? Ça c’est du storytelling. Christophe est un grand garçon, il saura j’imagine donner son avis sur cette question d’universalistes qui s’étripent.

Ce n’est pas du storytelling ; bien que je considère plus cette influence comme étant indirecte, il ne laisse planer aucun doute que les valeurs des Lumières furent déterminantes pour l’établissement des principes de l’anthropologie évolutionniste.

En fait, les ouvrages traitant d’ethnologie sont assez clairs sur ce point ; du moins à cette époque de la colonisation. Exprimer qu’ils sont le facteur déterminant de la colonisation ne me semble pas pertinent, mais dire qu’il y a corrélation entre l’anthropologie évolutionniste et la doctrine colonialiste, là dessus, il n’y a aucun doute, elles sont nées toutes deux au milieu du XIXéme siècle. Il faut admettre que les valeurs universelle furent le ferment de bien des exactions qui furent imposées aux populations locales. Les valeurs des Lumières ont été utilisées à des fins bien peu glorieuses. Déjà, à cette époque, ces valeurs servaient à mettre en exergue la supériorité de l’occident sur les sauvages colonisés, posant comme principe premier que toute évolution des sociétés humaines ne peut mener qu’à la Vérité Universelle des Lumière.

Il aura fallu attendre longtemps pour que ce principe s’estompe ; il était toujours fortement présent quand certains considèrèrent qu’il existait des races supérieures et donc d’autres qui ne pouvaient être qu’inférieures dans les années 1930 (cet héritage de l’anthropologie évolutionniste est un sujet abordé par Annah Arendt). Et ce malgré des évolutions marquées dans les courants anthropologiques comme le structuralisme, le fonctionnalisme, ...

Il faut savoir qu’avant B. Malinowski, les ethnologues ne faisaient des études des cultures sauvages (au sens, pour eux de différent de la culture occidentale) qu’à partir de récits de mercenaires, commerçants, ... qui cotoyaient les populations locales. Ainsi, l’anthopologie de cette époque n’analysait pas les structures et l’organisation sociales, il ne faisaient qu’émettre des jugements de valeurs selon leur propre précepts culturels sur les pratiques locales des populations colonisées. Le premier à mener des études locales en étant présent dans les tribus était B. Malinowski (1918-1919 pour un premier ouvrage en 1921), et non, comme le soulignent les médias français, C. Lévi-Strauss (qui n’avait que 10 ans) ; mais cela est un détail. B. Malinowski est le fondateur du fonctionnalisme et a été un précurseur des études systémiques de la relation entre la pensée et les symboles usuels d’une culture.

Les théories de l’évolution et les valeurs décrétées universelles par les occidentaux ont conduit à l’anthropologie évolutionniste au XIXe siècle. Pour les anthropologues évolutionnistes, l’espèce humaine est un tout, chaque société suit la même évolution, elle commence à l’état primitif pour arriver jusqu’au modèle de la civilisation occidentale ; une certaine vision ethnocentriste n’est-ce pas ?

Cette théorie a été très fortement remise en question, elle ne correspond pas à la réalité observée (les civilisations suivent des évolutions divergentes, ne poursuivent pas les mêmes buts, et la civilisation occidentale, qui devrait pourtant constituer le stade ultime de l’évolution, subit encore de profondes mutations). Elle est aussi douteuse d’un point de vue éthique (considérant notre société occidentale comme l’aboutissement ultime de la civilisation).

Dans les propos d’aujourd’hui, même si nombre de nos concitoyens ne se revendiquent pas d’un mouvement évolutionniste, il n’en reste pas moins que bien des jugements restent du domaine de l’ethnocentrisme (nous jugeons les autres en fonction de nos valeurs que nous pensons universelles). Mais cela est aussi un comportement naturel, même si il n’a rien de rationnel ; nombre de nos concitoyens ne jugeant qu’à l’aune de leurs propres connaissances du monde des comportements qu’ils ne peuvent comprendre autrement.

Le principe de colonisation existe depuis bien longtemps, nous en trouvons traces dans la Grèce Antique. C’est donc une tendance convergente qui a donné lieu tant à l’idéologie colonialiste qu’à l’anthropologie évolutionniste (du moins pour convaincre les populations, nous savons qu’il y avait d’autres intérêts aussi) ; par ailleurs, même les grecs, les romains, ... tous ceux qui ont mené des guerres de colonisation avaient pour principe la suprématie culturelle de leur nation sur les autres. Le discours ethnocentrique brosse le citoyen dans le sens du poil, il lui parle, il correspond à un comportement naturel et barbare, celui de la croyance en un être, une nation ou une civilisation supérieur aux autres ; admis bien entendu dès lors que le discours s’adresse à un être faisant partie de cette race supérieure.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès