Hommage à Pierre SALINGER - Oct 2004- (Extraits) :
Par le Sénateur Edward M. KENNEDY.
Pierre adora chaque instant de cette grande époque. Comme il le disait des années plus tard : “Que pouvait-il exister de mieux que de se lever le matin, pour aller à la Maison-Blanche travailler avec un homme comme John Kennedy, et avoir le sentiment de contribuer à des décisions importantes pour le pays. C’était fabuleux !”
Quelques souvenirs plus particuliers aussi. Ainsi, en plus de tout ce qu’il faisait, Pierre nous gardait toujours quelques notes de piano pour quand nous nous retrouvions les soirs d’été à Nantucket. Nous aimions beaucoup aller au fameux restaurant Chante Claire, sur l’île. C’était souvent bondé ; pas une table de libre, et on nous faisait alors attendre dans une salle à côté. Il se trouve qu’il y avait un piano dans la pièce et Pierre avait alors l’habitude de s’y installer et de jouer. Il jouait comme un virtuose et ça nous permettait d’avoir une table plus vite : en effet les gens dans la salle à manger, en entendant cette merveilleuse musique se dépêchaient de finir pour venir écouter de plus près. Ils appréciaient moins quand Pierre cessait de jouer et que nous nous allions dîner ! Mais cette tactique ne libérait pas toujours une table : les clients réguliers les plus avisés faisaient durer le café pour mieux jouir de la musique qui s’échappait de la pièce voisine. C’était vraiment une musique divine et je suis sûr que Pierre joue maintenant pour Jack et Bobby, au paradis…
Rien ne dépassa jamais en harmonie, en mélodie, la vie de Pierre et sa famille. Pierre adorait sa famille plus que tout au monde. Poppy, Stephen, Gregory, Marc, Suzanne, Jean-Bernard, Emmanuel, Alexandre ; et ses cinq petits-enfants bien-aimés.
Quand sa fille Suzanne disparut, Pierre se tourna à nouveau vers la musique, encore et toujours sa manière profonde d’exprimer amour et affection. L’éloge funèbre à sa fille s’envola ainsi avec amour des mains de Pierre au piano…
[…] Durant ces dernières années, alors que la maladie gagnait, quelle ironie de voir cet artiste des mots avoir de la peine à parler. Mais c’est vraiment typique de Pierre que de réussir à rassembler les mots qui, toute sa vie, ont reflété ses sentiments si profonds envers sa famille : « Je vous aime »…
[…] C’est dur de dire au revoir à un ami si cher, comme Pierre. Il nous a fait nous sentir en famille nous aussi. Je pense toujours à Shakespeare « Nous, si peu, quelques heureux, une bande de frères. » C’est ce que nous inspirait Pierre ; ou peut-être les mots étaient-ils de Shakespierre… Et cette messe convient si bien pour Pierre, dans cette si belle église, là où Jack et Jackie, et Bobby et Ethel, venaient se recueillir. Et comme il est bon et juste que Pierre ait une place d’honneur au cimetière d’Arlington près du Président et du Sénateur qu’il servit si bien et qu’eux aimaient tant. Nous disons merci à la famille Salinger pour avoir souhaité partager Pierre avec nous, avec tout ce qu’il aidé à bâtir pour l’Histoire…
[…] Comme je l’indiquais, nous n’aurions jamais eu de Nouvelle Frontière sans Pierre – et ce fut tellement plus amusant avec lui ! Il y a quatre ans, Pierre résuma tout ça ainsi : « J’ai eu ma petite part de drames mais j’estime avoir eu plus que ma part de bonheur. Et Dieu sait qu’au moins je peux dire en avoir vu… Ceux qui autrefois me surnommaient « Pierre le veinard » avaient peut-être raison ! » Nous étions « les veinards », Pierre. Nous t’aimions. Tu vas nous manquer et nous ne t’oublierons jamais…
Au revoir.
Ted.
sur Google 17 07 08
Poppy, et vous tous les autres membres de la famille de Pierre, Pierre faisait partie de notre famille aussi et je suis sûr que Jack et Jackie, et Bobby, sont là, au 7e ciel en ce moment…
[…] Quand Jack et Bobby nous eurent quittés, c’est Pierre que Jackie invita en Grèce. Elle aimait sa compagnie et elle savait que Pierre aimait toujours partager avec Caroline et John son trésor d’histoires incomparables sur Jack, afin qu’ils puissent grandir en en sachant davantage sur leur père…
[…] Les parents de Pierre firent un voyage spécial à Paris afin qu’il soit baptisé dans la cathédrale Notre-Dame. Et il disait que le français était sa première langue à la maison. Pierre était le parfait « Américain à Paris ». J’aurais bien aimé l’entendre débattre de la “Vieille Europe” avec Don Rumsfeld !...
[…] Pierre fut aussi un étudiant brillant : lycée à 11 ans, université à 15 ; jusqu’à ce que survienne Pearl Harbor. Capitaine d’un chasseur de sous-marins dans le Pacifique dès 19 ans, il commença à fumer ses fameux cigares Salinger, pour prouver sa maturité à tous les hommes plus âgés du navire. Il reçut une médaille pour avoir sauvé des marins dans un typhon au large d’Okinawa. Plus tard, Jack le taquinait à ce sujet : « Je me battais contre l’ennemi » disait-il « et Pierre luttait contre les éléments !”…
[…] Pierre retourna en Californie après la guerre, devint reporter, puis un habitué des prix de journalisme dans les années 50. C’est à cette époque-là que nos chemins se sont croisés.
Bobby, jeune juriste, travaillait avec Jack au sein de la Commission Emploi du Sénat et Pierre le rencontra lors d’un déplacement à Washington pour une enquête sur les Routiers. Bobby découvrit que Pierre en savait plus sur la question que tous ceux qu’il avait déjà rencontrés. Alors il le fit entrer au Comité sénatorial anti-racket. Jack siégeait également dans le comité, en sa qualité de sénateur. Et au cours de la première réunion, Bobby souffla à Pierre : “Dis bonjour à ton voisin de gauche ; c’est mon frère... » Le reste fait partie de l’Histoire : Pierre avait commencé à travailler pour le Comité le jour de la St Valentin, en 1957 et ce fut le coup de foudre.
Le génie de Pierre était débordant. Son choix s’imposait comme chargé de presse de Jack durant la campagne de 1960. La seule question que posa Jack à Bobby fut : “Est-ce qu’il a vraiment l’âge pour le poste ?” Il l’avait, c’est sûr, et ce fut une formidable équipe : le plus jeune Président jamais élu et le plus jeune chargé de presse de la Maison-Blanche !
En fait Pierre assista à la naissance de l’ère de la télévision politique. Juste avant la cérémonie de prise de fonctions, il réussit à convaincre Jack d’autoriser la télévision en direct aux conférences de presse. Ce fut un séisme pour tous les journalistes de presse écrite. Un reporter du New York Times hurla à Pierre : “Vous êtes en train de tuer la presse écrite !” Pas tout à fait…
Pierre fut également ambassadeur à temps partiel, notamment pendant le célèbre voyage officiel de Jack à Paris. Mon frère avait dit : “Je suis l’homme qui accompagne Jacqueline Kennedy à Paris !”, mais il aurait pu facilement dire la même chose pour Pierre, qui séduisit tout le monde en tenant des conférences de presse en français.