Professeur de droit à Paris-X Nanterre, Guy Carcassonne, qui fut membre de la commission de révision de la Constitution présidée par Edouard Balladur, analyse la portée de la réforme.
Va-t-on vers un régime présidentiel à l’américaine ?
La définition du régime ne change pas. Nous sommes toujours dans le cadre d’un régime parlementaire à direction présidentielle. Le président de la République est déjà, de facto, le chef de la majorité. Il ne faut pas juger ce texte à l’aune de Nicolas Sarkozy. On ne constitutionnalise pas le sarkozysme. Il faut voir plus loin. La réforme va dans le sens d’un rééquilibrage en faveur du Parlement.
Pourtant, la pratique du président de la République va clairement dans le sens d’un renforcement de son rôle
Ce qu’on appelle l’hyperprésidence n’est qu’une hyperprésence médiatique. Pompidou avait infiniment plus de pouvoir que Sarkozy. Il ne devait pas composer avec la Commission européenne, les collectivités locales, les multinationales…
Prenez l’exemple de l’usine Mittal de Gandrange : le président Pompidou aurait immédiatement décroché son téléphone pour demander au patron d’une entreprise publique de racheter ce site. Aujourd’hui, Sarkozy doit obtenir l’accord des maires pour imposer le service minimum dans les écoles…
Comment la réforme constitutionnelle renforce-t-elle les pouvoirs du Parlement ?
Les mesures les plus importantes sont celles dont on parle le moins. Je pense à la modification de l’article 42, qui permet que le texte discuté en séance soit celui de la commission et non celui du gouvernement. Le fait d’avoir une semaine sur quatre consacrée au contrôle est aussi très positif, parce que dans notre pays, on légifère trop et on ne contrôle pas assez. Chaque texte présenté devant le Parlement sera accompagné d’une étude d’impact. Cela permettra peut-être de mettre un terme à ces législations précipitées, qui sont une calamité nationale et engendrent une insécurité juridique. Aujourd’hui, un texte peut être adopté en conseil des ministres le mercredi et présenté à l’Assemblée le lundi suivant…
Le renforcement des droits de l’opposition devrait aussi permettre de désigner un contre-rapporteur, qui pourrait intervenir au début du débat général. Aujourd’hui, pour se faire entendre, l’opposition est souvent contrainte d’utiliser l’exception d’irrecevabilité ou la question préalable.
Les parlementaires de l’opposition sont-ils prêts à se saisir de ces nouveaux droits ?
En tout cas, ils ne pourront plus invoquer quelque impossibilité que ce soit. Le problème, c’est qu’on ne peut pas revaloriser une chambre vide. Il faudrait lutter contre l’absentéisme des parlementaires. L’article 162 du règlement prévoit des pénalités, mais il n’est pas appliqué. Des milliers de salariés pointent à leur travail. Les députés, eux, arrivent le mardi à l’heure du déjeuner pour la réunion de groupe et repartent le mercredi après la séance des questions d’actualité. Soit 26 heures de présence !
Pour être complète, la réforme n’aurait-elle pas dû interdire le cumul des mandats ?
Sarkozy y est opposé, l’UMP aussi. On ne peut reprocher à la droite d’appliquer son programme. Il aurait fallu que la gauche ait le courage de le faire lorsqu’elle était au pouvoir.
Que pensez-vous de la limitation du recours au 49.3, qui permet de faire adopter un texte sans débat à l’Assemblée ?
On peut y voir des inconvénients. Le gouvernement qui n’aura pas de majorité sera plus contraint. Michel Rocard, lorsqu’il était premier ministre, l’avait utilisé pour 13 textes en trois ans. Avec la réforme, il n’aurait pu l’utiliser que pour 7 ou 8 textes. Ce qui l’aurait obligé sans doute à faire voter des lois fourre-tout. En 1982, le 49.3 a permis à Pierre Mauroy d’imposer la loi bloquant les salaires et les prix. Jamais la majorité socialiste ne l’aurait votée autrement.
Propos recueillis par Xavier Ternisien
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