Au risque d’en surprendre plus d’un, il me semble que ce vote est un non-évènement.
Sur le fond tout d’abord : en réalité, cette réforme est quasiment vide de tout contenu, et ne modifiera en rien le fonctionnement actuel de notre système politique. En terme de procédure, les très timides avancées sur l’ordre du jour ou le 49:3 sont négligeables dans un système politique bipolaire : qui peut croire un instant que la majorité parlementaire ira contre les voeux du président de la république et son gouvernement, tant qu’ils sont du même bord ? Certes, la réforme permet au président d’aller faire le guignol devant le parlement... la belle affaire. A part flater l’égo du président, on voit mal l’intérêt. Plus gènant est l’automaticité de réintégration du poste de parlementaire des ministres à la fin de leur mandat, ce qui confond encore un peu plus l’executif du législatif, mais la tendance était déjà présente. De même que la fonction de premier ministre qui s’efface encore un peu plus, mais il n’y a pas de révolution à ce sujet. Quant au reste, ce ne sont que quelques combines politiciennes, sans intérêt : le référendum d’initiative populaire est un mensonge éhonté qui demeurera simplement une possibilité de plébiscite aux mains de la majorité dont personne ne se servira, les fameux droits de l’opposition sont un cache-misère, seule la possibilité donnée au citoyen de saisir directement le conseil constitutionnel est une mince avancée, qui sera sans doute sévèrement restreinte en pratique.
Sur la forme ensuite, et en terme d’impact politique : faute de n’avoir pas réformé en profondeur les problèmes réels de notre constitution (séparation des pouvoirs, rôle du sénat, pluralité des mouvements politiques représentés etc..., ce que souligne à raison l’auteur de l’article), cette révision de la constitution n’a suscité aucun intérêt au sein de l’électorat, et pour cause : cela ne le concerne en rien. Tout cela ressemble à de la petite combine entre amis, à laquelle l’électeur est habitué et qu’il ignore très largement. Nicolas Sarkozy et sa majorité pourront crier victoire, personne ne les entendra, et cela n’aura aucune influence sur leur popularité. Certes, le président aura ainsi réussi à déconsidérer encore un peu plus les radicaux et les (nouveaux) centristes, qui ont vendu leurs convictions pour un plat de lentilles (quelques postes, et un groupe parlementaire plus facile à constituer), mais le gain politique sera faible. Quant au PS, il aurait bien mieux fait d’ignorer une consultation vide de sens plutôt que d’en faire une croisade anti-sarkozyste : le sujet était mauvais, il y a bien d’autres combats plus importants à mener.
Pour conclure, il s’agit d’une victoire vide de sens, qui n’a d’ampleur que parce que le PS lui donne de l’importance. Ce dernier aurait mieux fait d’embrayer plus rapidement sur le scandaleux accord privé favorable à Bernard Tapie, comme l’a fait François Bayrou : sacrifier l’équivalent de l’intégralité des économies faites par la réduction du nombre d’enseignants au profit d’un ex-homme d’affaire douteux pour d’obscure raisons politiciennes, voilà qui est autrement plus parlant aux yeux du citoyen.