Perdre un enfant victime d’un crime gratuit est sans doute l’une des épreuves les plus terribles de l’existence. Quand le coupable ne peut être jugé parce que la justice le déclare irresponsable de ses actes, la souffrance est plus aiguë encore. Comme si l’impuissance de la société à poursuivre l’auteur du meurtre empêchait la tragédie d’avoir un point final.
Nul ne sait si l’enquête sur le massacre du petit Valentin conclura à la défaillance de la santé mentale de son meurtrier présumé. Mais cette hypothèse, émise par les policiers, provoque déjà - comme toujours en pareil cas - une incompréhension, a priori, de l’opinion. Le sentiment d’impunité est d’autant plus polémique quand il est nourri par l’émotion naturelle et légitime qu’on éprouve face à la violence jugée « inhumaine » faite à un petit garçon.
Pour les parents, il faut résister à l’envie de vengeance et à cette pulsion qui, vous pousserait à faire justice vous-même. Pour les autres, il faut garder son sang-froid, et faire confiance à une législation désormais équilibrée. Seuls 0,5 % des criminels sont déclarés irresponsables au motif que leur discernement a été « aboli », et pas seulement « altéré ». Et quand le juge d’instruction prononce un « non-lieu », il ne signifie pas que le meurtre, en tant que tel, n’a pas eu lieu mais qu’« il n’y a pas lieu de poursuivre ». Le crime n’est donc pas gommé.
Il l’est encore moins depuis l’adoption du texte, préparé par l’équipe de Rachida Dati. Désormais, même si les « fous » ne peuvent toujours pas être jugés, la loi prévoit une audience spéciale pour les familles des victimes.
Pas de sentence, certes, mais le coupable est bel et bien désigné, et pour les proches de la victime c’est un élément psychologique extrêmement important pour se reconstruire.
Deux valeurs essentielles sont ainsi respectées. Deux éthiques cohabitent. La dignité d’une société qui renonce à juger un dément, et sa compassion pour les victimes qui passe nécessairement par la reconnaissance juridique du meurtrier.
O. Picard