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Commentaire de J. GRAU

sur La théorie du complot


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Jordi Grau J. GRAU 29 août 2008 14:22

Merci à l’auteur de cet article.

Je conseille à tout le monde de lire, sur le site d’Acrimed, une bonne analyse de Serge Halimi (directeur du Monde diplomatique) et d’Arnaud Rindel. Cette analyse, qui va dans le sens de l’article de Liliane Bourdin, explique comment l’intellectuel américain Noam Chomsky est systématiquement accusé de verser dans la "théorie du complot" dès qu’il explique qu’il y a une profonde convergence d’intérêts entre pouvoir médiatique, pouvoir économique et pouvoir politique. Voici le lien :

http://www.acrimed.org/article2680.html

Bien entendu, cet article ne peut servir à relégitimer n’importe quelle théorie. Des théories du complot, cela existe vraiment, et certaines sont complètement délirantes (cf. la longue fiction rapportée par M. Tall). Dans cet article, Serge Halimi et son collègue s’attachent essentiellement à défendre les analyses de Chomsky sur les médias. Mais on pourrait, me semble-t-il, extrapoler à partir de cet article et montrer qu’une critique radicale du système capitaliste n’a pas besoin de recourir à une théorie conspirationniste. Il faut pour cela garder deux choses à l’esprit :

1. Dans le système capitaliste, les entreprises ont l’autorisation (voire le devoir, dans la mesure où elles sont responsables devant leurs actionnaires) de faire un maximum de profit, quels qu’en soient les coûts sociaux ou environnementaux. Naturellement, le capitalisme à l’état pur n’existe pas. Il y a toujours des contrepouvoirs qui limitent l’appétit de puissance des grosses entreprises (intervention des Etats, surtout dans les démocraties, associations, syndicats, etc.). Néanmoins, il s’agit d’une tendance lourde, et qui n’a fait que s’aggraver depuis une trentaine d’années. .

2. Le capitalisme ne peut exister que s’il est soutenu par une idéologie puissante. Cette idéologie peut changer de forme, tout comme le capitalisme qu’elle a charge de légitimer. Pendant un temps, l’idéologie dominante était d’inspiration keynésienne. Même Nixon, qui avait d’abord été très proche du néolibéral Milton Friedman, disait dans les années 70 : "Nous sommes tous devenus keynésiens". (cf. le bouquin de Naomi Klein : La stratégie du choc). Cette idéologie justifiait l’existence d’un capitalisme social-démocrate, une sorte de compromis qui permettait à une grande partie de la classe ouvrière de s’enrichir, tout en ménageant aux multinationales des profits confortables. Depuis Thatcher et Reagan, l’idéologie dominante est devenue le néolibéralisme. Le capitalisme est devenu, par voie de conséquence, beaucoup plus agressif et radical.

Si l’on garde ces deux points à l’esprit, on comprend qu’il n’y a pas besoin de recourir à une théorie du complot pour expliquer une convergence (et non une entente secrète) entre les grandes entreprises, les grands médias et les Etats. Même si des rivalités peuvent exister entre tous ces acteurs, ils sont d’accord sur le fond.

Bien entendu, cela n’empêche pas qu’il puisse exister, ponctuellement, des conspirations : complots préparant des coups d’Etat (complicité de la CIA et des multinationales dans l’établissement de dictatures en Amérique du sud dans les années 70, par exemple), ententes secrètes entre grandes entreprises (exemple : Bouygues, France Telecom et SFR en France), etc.

Par ailleurs, on sait bien que le lobbying des multinationales est très actif auprès des Etats, des parlements nationaux, et auprès des institutions européennes. On sait bien que certains textes de lois, en France, sont quasiment la reprise mot pour mot de propositions du MEDEF (le Canard enchaîné a déjà révélé ce genre de collusions). Cette complicité quasi-institutionnelle n’est pas tout à fait une conspiration, mais elle s’y apparente, dans la mesure où les liens entre lobbies et pouvoirs politiques ne sont jamais tout à fait transparents.


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