Bonne question. Je m’explique. Dans les pays capitalistes et démocratiques, où la concurrence est (plus ou moins) ouverte pour le pouvoir économique et politique, l’information est une ressource de prix qui alimente les stratégies d’influence qu’élaborent les divers groupes.
Cette réalité est particulièrement sensible dans des pays post-totalitaires ou post-autoritaires, où les groupes en question ne sont pas encore habitués à cette réalité et cherchent encore, conformément à la mentalité qu’ils ont héritée de l’ancien ordre autoritaire ou totalitaire, à contrôler entièrement l’information à leur profit. Le meutre commandité est l’ultime moyen de cette volonté de contrôle.
Nul journaliste en Russie n’ignore cette implacable réalité de l’information-ressource. Nul journaliste russe, non plus, n’ignore la configuration du pouvoir telle que j’ai pu grossièrement la décrire, que ce soit au niveau local ou dans les plus hautes sphères.
Bien des journalistes russes s’en accommodent et font tourner le système. C’est ainsi qu’il y a beaucoup d’articles de commande dans la presse, une pratique que l’on appelle en russe « zakazoukha » (« information commanditée »), y compris dans les titres dits de référence. Cette pratique sévit surtout dans la presse économique.
Il y a aussi des journalistes très courageux qui ont le goût de la vérité, des personnes vraiment admirables. J’espère l’avoir bien souligné en mentionnant qu’outre Anna Politkovskaïa, 41 autres journalistes ont payé ce courage de leur vie au cours de la dernière décennie.