Bonjour Pierrot,
si j’ai choisi de participer à cette discussion, c’est bien parce que je suis prêt à accepter la contradiction. Et je l’accepterais d’autant mieux qu’elle émanerait d’un contradicteur documenté. Je vous invite donc, avant d’évoquer la stupidité d’une technologie, à actualiser vos connaissances sur ce sujet. Ne serait-ce qu’en France, des démonstrateurs de fusion froide ont été construits par le laboratoire des recherches appliquées d’EDF (conclusions non publiées à ce jour) mais aussi dans deux laboratoires du CNAM Paris et un laboratoire du CNRS à Marseille.
Le mode opératoire de ces démonstrateurs n’est pas étroitement calqué sur la manip de Pons et Fleishman en 1989, mais explore des process alternatifs qui donnent des résultats (production de chaleur excédentaire).
Pour mémoire et parce qu’il ne faut pas se limiter à l’hexagone, l’administration Bush a misionné en 2004 un collectif de 40 chercheurs confirmés et représentatifs de leur domaine de recherche pour expertiser la pertinence de la fusion froide aux Etats Unis (l’état de l’art, l’efficience des démonstrateurs existants, les perspectives d’applications industrielles). Ce collectif a publié son avis favorable à l’extension des dotations de crédits publics (et privés) américains dans la R&D de la fusion froide, aux motifs que la réalité du phénomène ne pouvait être contesté, qu’il s’agissait indéniablement d’une piste prometteuse, alternative peut-être plus rapide à industrialiser que la fusion contrôlée, et que les crédits dédiés à ces recherches étaient dramatiquement sous-dimensionnés au regard des enjeux. Que l’administration Bush n’ait pas (encore) suivi cet avis ne me semble pas directement corrélé à la validité scientifique des phénomènes mis en jeu.
Entendons nous bien. Je n’aurai pas l’outrecuidance de clamer que les recherches sur la fusion froide déboucheront inéluctablement sur des applications industrielles qui révolutionneront la politique énergétique mondiale. Je prétends seulement qu’en France (et les français ne sont pas plus intelligents et perspicaces que la moyenne planétaire), on n’affecte pas assez de crédits publics à ces technologies dites « alternatives », alors que d’autres pays augmentent significativement les dotations (Italie, Japon, Chine).
Cela dit, si la fusion froide vous chauffe les oreilles, que proposez-vous, hormis la critique ? De continuer à marcher dans le sillon qu’ont tracé nos prédécesseurs ? D’investir plus d’argent et de moyens humains dans des projets tels qu’ITER en priant pour que les impacts sociétaux et environnementaux du réchauffement global daignent patienter au moins 50 ans (date estimée du premier mégawatt obtenu par fusion contrôlée) avant de s’exprimer ?
Les plus grands découvreurs sont des gens empreints de modestie intellectuelle, de pragmatisme et d’ouverture d’esprit. Ils osent sortir des sentiers battus et explorer d’autres pistes que leur offrent les avancées de la physique, notamment. Et le champ des découvertes à venir, dans ce domaine, est encore immense.
A mon avis, de quoi relativiser l’acception même du terme « stupidité ».