Bonjour Pierrot. Merci pour ces précisions. Il me semble toutefois que réduire le jugement de valeur de la fusion froide à la seule manip mormonne (que je ne connais pas, je l’avoue sans honte) est un peu frustrant (intellectuellement et scientifiquement parlant). Il se trouve que j’ai eu l’occasion de voir fonctionner le démonstrateur du CNRS Marseille (avec un protocole de mesures tout à fait honnête), que les manips du CNAM fonctionnent aussi, et qu’EDF a jugé cette technologie assez pertinente en première analyse pour mobiliser une partie de ses moyens de R&D sur une étude d’opportunité (résultats à venir).
Ces trois expérimentateurs français conviennent que des barrières technologiques doivent encore être franchies pour accéder au prototype industriel. Notamment l’équation suivante : quand on dépasse quelques watts ou quelques milliwatts (selon les process) correspondant à la chaleur excédentaire mesurée, l’électrode de palladium dans laquelle se diffuse le deutérium se dégrade très vite.
Cette difficulté ne parait pas remettre en cause la réalité du phénomène mesuré : il y a bien production de chaleur excédentaire.
D’autres voies sont en cours d’expérimentation, notamment en Chine et aux USA : la diffusion du deutérium dans une poudre nanométrique de palladium. L’expérience chinoise de 2005 semble démontrer qu’à l’échelle nanométrique, le palladium ne se dégrade pas. La prochaine étape consisterait donc à expérimenter avec cette poudre nanométrique (on cherche encore à la fabriquer, mais c’est une question de mois - les américains prétendent y être arrivés) et à augmenter les températures de travail (aujourd’hui entre 80 et 120°C, demain à 500°C).
Encore une fois, je ne prétends nullement défendre la panacée en matière d’énergie propre et de « sur-unité ». Je propose modestement d’augmenter raisonnablement les dotations de la recherche institutionnelle dans cette technologie. De combien ? Avec moins d’un million d’€, la France pourrait savoir d’ici deux ans si cette technologie passera le stade du prototype industriel (2 à 3 kW de chaleur excédentaire). A comparer aux 15 Mds d’€ d’ITER et aux centaines de millions d’euros que mettent les pôles de compétitivité français dans la R&D des techniques d’extraction du pétrole off-shore profond.
Je conserve la conviction que le futur énergétique européen (dans les trois prochaines décennies) sera pluri-technologique. Les EnR décentralisées (éolien, photovoltâïque, solaire thermique) gagneront du terrain mais ne peuvent pas répondre à elles seules aux besoins énergétiques des pays concernés. La filière hydrogène devient prioritaire pour l’Europe, mais peine à franchir la barrière du stockage.
Le nucléaire (fission) demeure encore trop franco-français (et les tergiversations de l’Etat sur le programme EPR pourraient être l’illustration d’une indécision chronique sur le devenir du nucléaire dans sa conception française).
Il y a très peu de chances pour que la fusion contrôlée sorte son premier mégawatt d’ici 30 ans.
Parallèlement, l’OPEP et les non alignés annoncent clairement la couleur : on vise les 100 $ le baril.
Au-delà du réchauffement climatique, et en synergie avec lui, ce sont donc les paramètres macroéconomiques et les logiques de marché qui devaient imposer au moins à l’Europe de diversifier et de décentraliser son approvisionnement énergétique, donc ses choix technologiques.
La fusion froide fait peut-être partie de ces technologies alternatives à explorer à moindre coût public.
Cordialement.