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Commentaire de Zawgyi

sur Le Christ : la grande confusion


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Zawgyi 23 septembre 2008 17:52

En tant qu’athée, je partage le fonds de l’article. Mais, la méconnaissance des religions dont fait preuve l’auteur dessert finalement ceux qui comme moi croient que les religion sont un construit historique et culturel. Cet article ne servira une nouvelle foi à alimenter les clichés que colportent les croyants à propos des athées, de leur méconnaissance des religions, de leur manque de spiritualité.

Pour revenir sur quelques erreurs retenues dans cet article fouilli :

- Je ne sais pas si le christianisme est vraiment la première religion du monde comme vous le dites. A voir. Tout dépend comment on l’entend : parle-t-on des pratiquants ou simplement des baptisés ? De plus, parler du christianisme comme d’une seule religion homogène est absurde : certains mouvements protestants ont autant à voir avec les catholiques que les cathares à leur époque. Certes, ils partagent le Livre et croient dans le Christ, mais cela ne suffit pas à en faire une même religion. Les premiers bouddhistes mahayanistes n’ont-ils pas repris nombre de divinités hindoues. Et que dire du panthéon romain copié sur celui des grecs. Donc, non, il n’y a pas un christianisme uni et donc pas une religion majoritaire, mais une multitude de croyances chrétiennes qui ne forment pas un bloc homogène.

- J’en viens ainsi à ma deuxième remarque : toutes les communautés chrétiennes ne dépendent pas d’un clergé organisé et hiérarchisé. C’était justement l’objet de la réforme : permettre à l’homme une relation directe avec Dieu en dehors de l’Eglise. D’où la naissance du protestantisme qui ne reconnaît pas le Pape. Aussi, l’auteur, en voulant parler des religions en général ne parle finalement que du catholiscisme.

- Cet ethnocentrisme se retrouve dans son association maladroite et difficilement validée entre matérialisme et sentiment religieux. Sans doute associe-t-il la ferveur accompagnant la venue du Pape à la teneur actuelle de la société française et de la civilisation occidentale en général. Cependant, si je puis me permettre, la dévotion et la foi n’ont pas attendu la société de consommation et le capitalisme pour se développer. Le fait qu’il y ait une recrudescence de la foi à notre époque explique tout simplement le fait que le mode de vie fondé sur la consommation matérielle ne répond pas à toutes les questions quand il n’est pas accompagné par une augmentation du savoir. Et oui, les gens savent lire, savent utiliser un ordinateur, savent utiliser tous les jours une carte bleue, mais ils croient encore que le monde a été fait en sept jours car la connaissance scientifique de l’univers n’est malheureusement pas assez vulgarisée et étendue à l’ensemble de la société. D’où un nombre important de cadres supérieurs qui rejoignent les sectes. Le niveau de vie n’est pas paralèlle à celui des connaissances.

- Par ailleurs, les raccourcis rapides et brouillons entre toutes les religions dans l’article sont assez dérangeants. Pour rappel, il n’y a pas de Dieu tout puissant dans le Bouddhisme. A l’inverse du Christiannisme ou de l’Islam. Pas de pape non plus (à part pour la partie infime que représentent les lamaistes tibétains) mais plutôt un clergé très diffus et décentralisé. Il s’agit en fait d’une philosophie. Ce n’est donc pas en cela que l’on peut rapprocher le Bouddhisme, l’Hindouisme, l’Islam, etc. Il faut pour cela se rapporter à ce que disait Mircea Eliade : la religion, c’est une relation au sacré. Le dogme est donc totalement différent entre hindouisme, bouddhisme et christianisme par exemple, mais l’on retrouve s’est vrai des comportements, une relation au sacré, au monde, qui est la même : la prière, l’offrande, la relation transcendentale avec une entité supérieure, une explication du monde, de l’après-mort, etc. C’est ce qui a fait dire à beaucoup d’ethnologues qu’il existait probablement une religion originelle unique d’où proviennent toutes les autres qui lui sont postérieures. Certains parlent de polythéisme ou d’animisme primordial. D’autre placent le monothéisme à l’origine de tout. Freud, lui, faisait naître cette origine commune dans l’esprit même de l’homme, dans son insconcient. Ce qui a fait dire à Jung qu’il existait un inconscient collectif à l’origine de tous nos mythes. La vérité est que l’on en sait rien car on ne peut remonter jusque-là.

Quoiqu’il en soit, on sait pour certain que la Bible est une création humaine. On peut en dater l’écriture, retrouver en son sein les références au Noun égyptien, à Isis et Horus, à la naissance du Dieu Thot. On a retrouvé l’origine du mythe du Déluge sur les bords de la Mer Noire. On n’a pas retrouvé de traces de l’Exode à une époque où les Egyptiens gardaient traces des événements majeurs de leur époque. Et les datations de la Bible sont au mieux décalées de plusieurs siècles. Tout cela on le sait et je suis d’accord pour dire qu’il est inconcevable que l’on puisse encore croire à de telles fables. Autant de critiques peuvent êtres apportées au Nouveau Testament. Je suis donc d’accord avec l’auteur sur le fond.

Mais, il y a la manière de le faire. Ecrire des articles confus et non documentés ne fait que desservir l’athéisme scientifique, moral, spirituel, moniste que beaucoup s’évertuent à défendre pour le bien de tous. Cela ne contribue qu’à colporter l’image que continue à donner de nous l’Eglise, son pape et notre Président, des êtres vivants dans l’ombre et le matérialisme, à la pensée et à la morale litigieuses, à la spiritualité limitée, au mode de vie décadent et immoral.

Pour finir, ce n’est pas parce que l’on a été éduqué dans un milieu religieux que l’on devient croyant soi-même et que l’on continue à perpétuer la foi comme l’affirme l’auteur. J’en suis la preuve vivante - et je suis loin d’être le seul - ayant grandi dans une famille catholique traditionnelle et étant allé à l’école chez les Jésuites. Je n’en suis pas moins devenu un athée convaincu. Mais, comme pour le cancer, pour lutter contre une maladie, il faut la connaître, et pour lutter contre les théologiens, il faut étudier son sujet.

Alors, évitez d’écrire des articles contre la religion bourrés de clichés et peu clairs. Cela ne fait que desservir notre cause, pourtant ô combien noble, mais tellement mise à mal par ce XIXe siècle comme l’avait prédit Malraux.


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