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Commentaire de Paul Villach

sur Contre une autorité est-il devenu illusoire d'espérer gagner en justice ?


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Paul Villach Paul Villach 30 septembre 2008 10:46

@ JC Moreau

Voici le témoignage d’une personne qui a eu à vivre la conception que se fait la justice de la dénonciation calomnieuse. Elle m’a demandé de vous transmettre sa lettre. La voici.


"Claude BROCHARD      le 29 septembre 2008

     à l’attention de Monsieur JC.MOREAU

 Monsieur,

 J’ai lu ces derniers jours, dans Agoravox, l’article de mon collègue Paul Villach sur le caractère illusoire de tout espoir de gagner en justice contre une institution et les observations que vous avez produites à la suite. Ces observations me semblent appeler, de ma part, à partir de l’expérience personnelle qui est la mienne, de sérieuses réserves. Permettez-moi de vous les présenter.

 En 1992, j’étais principal stagiaire du collège de La Roche-Posay, dans la Vienne. J’avais dû m’opposer avec fermeté, sans avoir le moindre soutien de l’inspecteur d’académie, à des pratiques pernicieuses de plusieurs professeurs qui brutalisaient physiquement et verbalement les élèves. Lorsque arriva le moment de ma titularisation, ces professeurs, appuyés par le maire de la commune, dont l’un d’eux était le premier adjoint, ont adressé à l’inspecteur d’académie une lettre de dénonciation me chargeant d’accusations totalement fantaisistes. C’est ainsi que je fus accusé d’avoir abandonné un conseil de classe pour me rendre au vernissage d’une exposition. En fait, ce vernissage avait lieu à 50 kilomètres, au moment même où se tenait ce conseil de classe. Ma présence à ce dernier a été confirmée par plusieurs témoignages écrits… Quelques autres accusations sont du même acabit. L’inspecteur d’académie a reçu ces dénonciations avec empressement, s’est abstenu de me consulter quant à leur contenu et a formulé un avis défavorable, suivi d’effet, à ma titularisation.

 Mes efforts pour obtenir une révision par voie amiable ayant été vains, j’ai dû me résoudre, juste avant que n’expire le délai de prescription, à porter plainte au pénal contre les auteurs de la lettre de dénonciation. Ils ont été lourdement condamnés, pour dénonciation calomnieuse, par un jugement du tribunal de grande instance de Poitiers, le 1er juillet 1999. Les prévenus ont fait appel. Par un arrêt de la cour d’appel de Poitiers en date 18 novembre 1999, j’ai été débouté. Je me permets de retranscrire, pour votre édification, quelques extraits de cet arrêt. « Attendu que […] le destinataire de la lettre [l’inspecteur d’académie] a pu croire que cela [les faits qui m’étaient reprochés ] avait été vérifié, […] que l’élément intentionnel de l’infraction n’est pas établi en l’espèce, que la preuve ne peut être établie que monsieur Barré [le maire] et les enseignants ont dénoncé des faits qu’ils savaient faux, qu’ils ont simplement agi avec témérité, n’ayant pas conscience de la possible fausseté des faits dénoncés, que la mauvaise foi constituant l’intention délictueuse implique que les dénonciateurs connaissent au jour de leur dénonciation la fausseté des faits imputés à monsieur Brochard mais que la cour ne dispose d’aucun élément pertinent en ce sens, attendu que le jugement déféré sera ainsi infirmé et que les prévenus seront renvoyés des fins de la poursuite ».

 Je n’ai pas manqué d’aller jusqu’en cassation. Or, par un arrêt daté du 24 avril 2001, arrêt que cite Paul Villach dans l’un des textes parus dans Agoravox, la Cour a rejeté mon pourvoi. Là encore, je cite la conclusion de cet arrêt : « attendu que, pour relaxer les prévenus du chef de dénonciation calomnieuse, l’arrêt attaqué relève, notamment, qu’il n’est pas établi que les intéressés connaissaient la fausseté des faits dénoncés et que, dès lors, l’élément intentionnel de l’infraction n’est pas caractérisé, attendu qu’en l’état de ces seuls motifs, non critiqués par le demandeur, la cour d’appel a justifié sa décision, d’où il suit le moyen est inopérant et attendu que l’arrêt est régulier en la forme, rejette le pourvoi ».
 Il me semble que je peux me dispenser de longs commentaires. Le positivisme juridique, on le voit, a véritablement atteint ses limites. Comment le droit pourrait-il se dispenser de tout recours à l’éthique ? A partir de ces arrêts, il est évidemment facile à n’importe qui d’inonder des destinataires divers de lettres de dénonciation fantaisistes. Il pourra toujours prétendre qu’il ne connaissait pas la fausseté de ses allégations…

 Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma considération la meilleure

      Claude BROCHARD
"


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