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Commentaire de Paul Villach

sur Les lacunes d'un professeur chargé d'apprendre aux autres à « tenir leur classe »


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Paul Villach Paul Villach 2 octobre 2008 15:04

@ Anka

"En résumé, je vous trouve bien désabusé, surtout en ce qui concerne l’administration, qui n’est pas toujours (je serais tentée de dire que c’est même assez rare, mais je n’ai enseigné que dans une trentaine d’établissements) telle que la décrit votre article, fort heureusement. Et je trouve également dommage que vous ne mentionniez pas le fait que si l’on en est arrivé à de telles extrémités dans certains établissements (à savoir dénier le droit d’exclure un élève à un professeur a priori), c’est aussi parce que certains en abusaient : si, si, vous savez, ceux qui se permettent d’envoyer en retenue un élève sans fournir de travail aux surveillants (les considérant comme des sous-fifres), de renvoyer un élève sans même donner de motif à l’administration, ceux qui ne prennent jamais rendez-vous avec les parents parce que bon "ça fait des heures supp’", n’en discutent pas avec le CPE, etc..... J’aime ce métier et j’ai un grand respect pour la plupart de mes collègues, mais des professeurs qui se comportent ainsi, j’en connais aussi beaucoup. Donc, sur ce plan, l’analyse me semble manquer quelque peu de nuance.
"

1- Il va de soi que nous n’avons pas la même expérience et que nos points de vue sur l’administration diffèrent. Ce qui ne diffère pas, en revanche, c’est ce type d’argumentation que vous tenez ci-dessus et qui est un copié/collé de celle que peut tenir cette bonne administration au secours de laquelle vous courez avec raison. Elle en a bien besoin !

2- Je me réfère, moi, à un texte et à son application (circulaire n° 2000-105 du 11 juillet 2000) et non à des ragots. Vous, vous accusez des collègues que vous avez pu rencontrer, je n’en doute pas. Ils ne s’en sont pas tenus à la procédure qu’impose une exclusion ponctuelle de cours. C’est possible ! Ils auraient été sans doute bien en peine de la découvrir dans un livret d’accueil de pré-rentrée :1- Relevé d’un fait précis grave : non respect des règles de la classe ou injure ; 2- Accompagnement de l’élève au bureau de la vie scolaire par un délégué d’élèves : pas comme le professeur Marin d’ "Entre les murs" ! 2- Rapport circonstancié au chef d’établissement identifiant le fait précis et non livrant des impressions ; 3- réintégration en classe de l’élève mais après lettre d’excuses et d’engagement à respecter les règles de la classe (BO 4 novembre 1999.).

3- Il m’a été donné de rencontrer des chefs d’établissement qui refusaient de demander cette lettre à l’élève transgresseur. J’en ai même connu un qui a avalisé une lettre d’injures d’un énergumène qui avait déjà été renvoyé d’un collège par un conseil de discipline pour l’agression physique d’un professeur !!! Attention, c’était dans un collège paisible qui n’avait rien à voir avec celui d’ "Entre les murs" ; comparé à ce dernier, c’était un paradis ! Voyez qu’on n’a pas la même expérience !
Dans ce cas, il importe de ne pas faiblir : pas de lettre ? Pas de réintégration dans la classe ! Je l’ai pratiqué... figurez-vous, toujours avez succès ! Le chef d’établissement cède ou alors sort le grand jeu et emploie les grands moyens. Il ne faut pas craindre l’affrontement quand on aime un métier qu’on voit avili à ce point. Et puis qu’a donc à apprendre un professeur à un élève qui pratique l’injure à son égard, et surtout quand il est soutenu par une administration-voyou ?

4- Puisqu’il vous faut des preuves, je vous recommande mon dernier livre, "Un blâme académique flatteur" (2008). Je pense que vous tomberez de votre chaise ! Ce n’est pas un récit à l’eau de rose à la façon d’"Entre les murs" ! Vous voulez en savoir plus sur le territoire français : j’ai un autre ouvrage à vous proposer : "Les infortunes du Savoir sous la cravache du Pouvoir  : une tragicomédie jouée et mise en scène par l’Éducation nationale" (2003). Rassurez-vous, ces livres n’ont toujours pas été portés à l’écran et ne risquent pas de l’être.

5- Soyez persuadée cependant que ce sont les professeurs qui ne se couchent pas qui rendent service à tous ceux qui se couchent ! Mais, c’est vrai, les premiers doivent se passer de la gratitude des seconds.

6- Il va de soi que l’administration à intérêt à entretenir l’ignorance des profs sur la procédure à tenir, pour les raisons stratégiques que j’ai évoquées dans mon article. Oui, pratiquer le carton rouge comme sur un terrain de football, bouleverse les habitudes d’une administration qui paraît vous avoir donné bien des satisfactions, ce dont je me réjouis.

7- J’apprécie cependant que vous entendiez faire savoir que vous aimez ce métier. Convenez que la meilleure façon de l’aimer est de faire en sorte que son exercice soit le plus efficace possible. Mais la situation est aujourd’hui gravissime. En ce sens, le film "Entre les murs" est bienvenu pour le montrer aux Saint-Thomas qui ne croient que ce qu’ils voient. Il doit être utilisé, non pour le discrédit du service public d’Éducation, comme j’en ai émis l’hypothèse en fin d’article sur ce film, lundi 29 septembre, en vue de gagner les esprits à une privatisation, mais pour identifier les folles impérities qu’il révèle, et les méthodes pour y rémédier.

8- Il est entendu - pour qu’il n’y ait pas de malentendu ! - que l’élève transgresseur peut être blanc, noir, rouge ou jaune, appartenir aux HLM de banlieues ou aux villas cossues. La tentation de la transgression n’est pas propre à une ethnie ou à un groupe social : elle s’insinue partout dès lors qu’on sait pouvoir bénéficier d’une totale impunité. 
Voyez donc ces beaux messieurs de l’Élysée, bien propres sur eux, qui ont " écouté" illégalement tant de citoyens et qui, dans " l’affaire des écoutes téléphoniques de l’Élysée", viennent hier d’être définitivement condamnés par la cour de cassation pour "une faute personnelle" et non pas pour "une faute non détachable du service" : je vous renvoie à l’article que je viens de publier hier à ce sujet. Une administration-voyou, voyez-vous, ça existe ! Il suffit que l’impunité soit promise à ses agents pour en faire des hommes de main ! Paul Villach


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