Voir ou ne pas voir ?
Il arrive que l’on fasse mention dans les médias, de la mort d’un sans domicile fixe. J’ai travaillé auprès d’eux pendant cinq ans à Lyon et je marquais d’une croix sur mon carnet le décès de l’un d’eux. J’ai quarante sept croix dans mon carnet. Travailler auprès de ces personnes revient à faire de l’accompagnement de mourants : j’ai vu des dernières heures, des dernières minutes et même des dernières secondes et aucun média n’en a jamais parlé. C’est dire comme on occulte l’exclusion dans notre beau et riche pays. Pour avoir une idée de ceux qui disparaissent chaque année cliquez « collectif des morts de la rue », une association qui veut donner une sépulture décente à ces personnes. Au bout de leur exclusion ils rendent un dernier hommage à ces laissés pour compte. Ils font un travail louable. La durée de vie moyenne est très basse dans ce milieu d’exclus. Je dis d’expérience, sans condamner ni les uns ni les autres : quel manque à gagner de ne pas toujours s’enrichir de la différence, y compris la différence de fortune ! Il y a des aventures en milieu humain qui se perdent, quel dommage ! Il ne s’agit pas d’aider les plus pauvres (aider les pauvres est une idée de riche). Si les plus riches ne partagent pas, il faut savoir que les plus pauvres partent avec des richesses oubliées. Qui perd le plus dans cette mauvaise répartition ? Pour reprendre des mots de Jean Gabin, je dirais : « Quand on aime, il fait très beau ; j’peux pas mieux dire : quand on aime, il fait très beau ! ».