Prenons l’exemple de Fannie Mae, l’immense société hypothécaire que le gouvernement américain vient de nationaliser. Elle était sous le contrôle direct de plus de cinq agences fédérales. La même chose pour WaMu, la plus grande caisse d’épargne, qui vient d’être rachetée en catastrophe par JPMorgan. La réalité est que ces entreprises ont délibérément tourné la législation, si ce n’est dans sa lettre, au moins dans son esprit. Et les régulateurs n’ont rien vu, ou rien voulu voir. Que l’on ne me dise pas qu’il s’agit d’un problème américain. D’après les normes prudentielles que les banques sont censées respecter, le ratio entre leurs fonds propres et la taille de leur bilan doit rester inférieur à 12. D’après un article paru dans le Financial Times la semaine dernière, la Deutsche Bank en est à un ratio de 60 à 1, Barclays est à 55, et Fortis était au-dessus de 50. Quels sont les régulateurs qui ont laissé un tel endettement se développer, et pourquoi l’ont-ils fait ? Qui plus est, où sont les conseils d’administration qui auraient dû ramener à la raison des présidents atteints de folie des grandeurs ?
Certes, il est tout à fait exact que les nouveaux produits, en particulier les fameux credit default swaps (CDS), ou assurances contre la faillite, étaient, par le simple fait qu’ils étaient nouveaux, en dehors du filet réglementaire préexistant. Il est exact, aussi, que c’est M. Greenspan lui-même qui a trouvé bon de ne pas instituer de réserves obligatoires sur ces outils. Et il est tout aussi exact que ce sont ces CDS qui ont fait sauter AIG. Mais, après tout, M. Greenspan n’était-il pas au sommet de la pyramide de réglementation, et n’était-il pas il y a encore dix-huit mois considéré comme un demi-dieu ? Et, pour ajouter l’insulte à l’injure, ce sont bien ces mêmes régulateurs qui ont institué la règle stupide de marked to market, instaurant de ce fait des baisses vicieuses se nourrissant d’elles-mêmes (cf. à ce sujet notre chronique « La récession par la norme »).
Venons-en aux politiques. Qui se souvient que le désastre des subprimes a commencé avec une loi américaine passée par l’Administration Clinton forçant les banques à prêter aux « minorités », faute de quoi elles ne pourraient plus bénéficier de la couverture d’assurance fédérale sur leurs dépôts ? Ce sont les politiques qui ont obligé les banques à prêter à des gens qui ne pouvaient pas rembourser, et nous voyons tous les jours les effets de cette générosité payée avec l’argent des autres. Qui se souvient que les démocrates aux USA ont refusé la privatisation totale de Fannie Mae et de Freddie Mae, tant les bénéfices électoraux et personnels qu’ils retiraient du statut mixte de ces deux institutions étaient importants ? Qui n’a pas été atterré par l’incompétence incroyable de M. Paulson depuis le début de cette crise, prenant des mesures immensément onéreuses à tort et à travers, et ne prenant pas la seule mesure qui s’impose, la suspension de la nécessité de prendre en compte le prix du marché dans la valeur du bilan (market to market ), alors même que le prix d’un actif quand il y a des ventes forcées ne veut plus rien dire ? Qui se souvient que ce sont les politiques qui ont donné tous les pouvoirs administratifs sur lesquels la réglementation repose à des agences de notation de droit privé qui cherchaient à maximiser leurs profits ?
Dans tout cela, on ne voit pas l’ombre d’un hedge fund. Certes, ils ont gagné un peu d’argent ici ou là, en vendant à découvert quelques titres de sociétés qui seraient allées en faillite de toute façon. La réalité, c’est que cette crise a été créée par une compromission constante entre des régulateurs incompétents ou dépassés, des hiérarchies financières devenues folles et que plus personne ne contrôlait et des pouvoirs politiques où l’incompétence le disputait avec la corruption.
Grâce à Dieu, nous sommes rassurés : les mêmes trois groupes qui ont créé le problème se sont exonérés mutuellement de toute responsabilité et nous disent qu’ils vont régler tout ça. Nous sommes sauvés.
C’est demander à Gamelin (généralissime français en 1940) d’être le commandant en chef des forces alliées pour le débarquement en Normandie, ou confier la clé de la cave à vin à un alcoolique......
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