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Commentaire de Gazi BORAT

sur Le ciné-réalité qu'est « Entre les murs » vaut-il sa Palme d'or ?


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Gazi BORAT 7 octobre 2008 07:45

@ Christoff

Concernant le suicide de l’enseignante que vous évoquez, celle-ci exerçait en maternelle, dans une zone qui n’était pas considérée administrativement comme "d’Education Prioritaire" et je doute que son quotidien professionnel aie quoi que ce soit à en commun avec ce que l’oeuvre de fiction de Laurent Cantet nous donne à voir.

L’explication officielle du geste de l’enseignante dérive évidemment vers des "problèmes personnels" rencontrés par la défunte et que le "respect de la vie privée" interdit, bien évidemment, de détailler.

Le lieu choisi pour le suicide (l’école où elle enseignait), la théatralisation du geste (pendue à un panneau de basket) constituent sans aucun doute un message adressé à l’employeur - le service public de l’Education...

Que l’on critique un discours "angélique" derrière cette oeuvre , je le comprend... mais celle-ci n’est, ni un documentaire, ni une fiction cinématographique classique par son emploi d’acteurs non-professionnels et d’un rôle principal tenu par l’auteur d’un ouvrage dont s’inspire le scenario. On trouvera aussi un même discours "angélique" dans une fiction (télévisée celle-ci) et visionnée par un public, tout au long de sa diffusion, nettement plus conséquent que celui que connaitra le film de Cantet : la série "L’instit"..

Le film récompensé à Cannes ne représente en aucun cas la réalité dans sa complexité : le rôle de l’élève difficile, par exemple, étant joué par un élève classé, dans la vie réelle, parmi les meilleurs élèves de sa classe...

Nous sommes en plein mélange des genres : ni documentaire, ni fiction traditionnelle mais une utilisation d’éléments du réel dans une logique semblable à celle que l’on retrouve dans la télé-réalité. Un film que je n’irai pas voir en salle mais que je serais heureux de visionner dans vingt ans, comme témoignage des questions qui se posaient au cours de la première décennie du deuxième millénaire sur la question de l’enseignement public...

Il ne me vient à l’esprit qu’un seul film à rapprocher de celui-ci, utilisant des élèves dans leur établissement scolaire, et jouant devant la caméra leur quotidien selon les instructions d’un metteur en scène :


Vous pourrez me rétorquer que Cantet n’a pas le talent de Truffaut, et que ce film est nettement plus scénarisé que le suivant, soit.. mais il est tout autant porteur d’une idéologie et d’une réflexion ancrée dans son contexte, comme dans cet extrait où l’instituteur interpelle ses élèves sur le "cas social" de la classe, thème à la mode à cette époque et interrogation sur la marginalité par une société alors à l’apogée de la prospérité des "Trente Glorieuses"
Il y a malheureusement un manque dans la réflexion autour du suicide de cette enseignante et dans bien des propos suscités par le film de Cantet : celui des conditions de travail des enseignants et notamment la question de la surcharge des classes...

Il est évidemment plus commode pour tout le monde, et notamment pour un gouvernement d’inspiration néo-libéral soucieux de se désengager au maximum de ses missions de service public d’attribuer les difficultés que connaissent les enseignants dans leur quotidien à la "multi culturalité" des élèves et au laxisme d’enseignants "soixante-huitards" que l’on ne retrouvent, bien évidemment, pas dans l’enseignement privé payant..

gAZi bORAt

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