C’est un miracle aussi fort que la multiplication des pains. En quelques jours, le gouvernement français a été capable de mobiliser 360 milliards d’euros pour le seul bénéfice des banques. Et ce, sans « impact direct sur les finances publiques », dixit Eric Woerth, le ministre du Budget, au cours d’une conférence de presse donnée hier à Bercy. « Il n’y aura pas de coût pour l’Etat, mais un bénéfice », a même ajouté Christine Lagarde, la ministre des Finances, en louant un plan « plus protecteur pour le contribuable que le plan britannique ». Bref, à croire le gouvernement, le plan permet de faire rentrer de l’argent dans les caisses des banques, sans le faire sortir de celles de l’Etat. Ce n’est pas tout à fait exact. Explication.
Comment marche le mécanisme de garantie ?
La majorité de la somme engagée par le gouvernement (320 milliards d’euros) le sera sous forme de garantie. L’Etat va emprunter, à la place des banques, sur les marchés de capitaux, en bénéficiant de sa très bonne réputation. Cela sera fait à taux réduits. Il reversera ensuite aux banques qui en ont besoin les montants levés, en échange « d’actifs de bonne qualité », selon Christine Lagarde. Et il prendra une commission au passage. Les banques auront tout intérêt à passer par ce mécanisme, même si les conditions de refinancement sont élevées. Aujourd’hui, comme le marché interbancaire est quasiment fermé, il n’est plus possible de se financer autrement.
L’Etat agira à travers une société de refinancement, qui prendra à sa charge les actifs donnés comme garantie par les banques. Il devrait s’agir de crédits immobiliers, de crédits à la consommation ou d’emprunts des collectivités locales. Seul risque : que ces prêts ne soient pas remboursés. « Il y a des taux de défauts de l’ordre de 2 % sur les crédits immobiliers, le risque est à peu près nul », relativise un fonctionnaire du Trésor.
L’injection de fonds propres peut-elle rapporter ?
Le reste de l’aide doit être fourni sous forme de fonds propres à hauteur de 40 milliards d’euros. La somme n’est pas déboursée immédiatement, mais seulement si les établissements financiers (banques et assurances) en font la demande. A priori, on pourrait penser que cela ne concerne que les entreprises craignant une faillite prochaine. Pas du tout, selon Christine Lagarde. « L’objectif du plan est de mettre les banques françaises sur un pied d’égalité avec les Britanniques », qui, après le plan d’aide de Gordon Brown, auront un ratio de solvabilité de 9 %. Bref, tout établissement français est fortement incité à piocher dans ce fonds de 40 milliards.
En échange, l’Etat, ou plutôt la Société de prise de participation de l’Etat (SPPE), créée à l’occasion du renflouement de Dexia, recevra des actions préférentielles ou titres subordonnés émis par les banques. La valeur de ces titres sans droit de vote sera calculée à partir des cours actuels des banques (qui sont très bas). Et en cas de hausse de la Bourse, ils prendront automatiquement de la valeur. D’où un potentiel de gain important à terme.
Le déficit budgétaire va-t-il exploser ?
Dans les deux mécanismes, l’Etat sort de l’argent mais il reçoit des actifs en échange. Cela n’augmente donc pas le déficit, du moins pas tout de suite. En revanche, cela va faire progresser l’endettement. Cela ne concerne pas les 320 milliards d’euros octroyés sous forme de garantie. Comme l’a rappelé Eric Woerth, cette somme doit être comptabilisée en « hors-bilan » dans les comptes de la nation. Il s’agit d’un engagement conditionnel. En revanche, pour injecter 40 milliards dans le capital des banques, il faudra augmentera d’autant la dette publique. Ce qu’a reconnu, du bout des lèvres, Eric Woerth. La France s’éloignera encore plus des critères de Maastricht. Sa dette atteignait 65 % du PIB au premier trimestre, à 1 250 milliards d’euros, alors que les critères de Maastricht imposent un ratio maximum de 60 %.
Mais là où le gouvernement est resté muet, c’est sur le déficit à plus long terme. Augmenter l’endettement a un coût. Cela produit une hausse de la charge de la dette, qui doit être payée. Cela ne peut pas être sans effet sur les déficits. Cela n’a pas empêché Woerth de maintenir sa prévision d’un déficit du budget à 49,4 milliards d’euros fin 2008. Mais c’est comme la religion : il ne suffit pas d’y croire pour que cela devienne vrai.
Et le tout est également de savoir si l’état saura discerner les "actifs de bonne qualité" des actifs pourris, et non solvables, ni à court, ni à moyen, ni à long terme.
Et comme, pour beaucoup, les fonds pourris sont "mélangés" dans des "paquets" avec des "actifs de bonne qualité", on est encore loin de savoir précisément si l’état sera gagnant ou perdant dans l’histoire....