Il y a trente ans, quand je jouais avec l’équipe de France, La Marseillaise était sifflée sur tous les terrains. Mais à l’époque, les politiques ne s’intéressaient pas au football et ça ne choquait personne. Aujourd’hui, c’est devenu une obligation pour un homme politique, en fonction de son étiquette, de se positionner. Une fois encore, le football est pris en otage par le monde politique car cette histoire de sifflets est devenue une affaire politique qui n’a rien à voir avec le sport.
Je ne vois pas dans les sifflets qu’on a entendus au Stade de France un manque de respect ou une insulte à la France mais simplement des manifestations contre un adversaire d’un soir, en l’occurrence l’équipe de France, que l’on veut battre. Dans d’autres occasions, je suis certain que les mêmes jeunes qui ont sifflé La Marseillaise, mardi soir, chantent l’hymne national quand l’équipe de France dispute un match de l’Euro ou de la Coupe du monde."
Effectivement, tous les médias reprennent ce jour les propos de Platini qui arrangent bien tout le monde : sifflés, siffleurs et charmeurs de serpents.
Sauf que Platini commence son discours par "Il y a 30 ans ..."
Soit en 1978. Dix ans après mai 68 à une époque où la composition et les problèmes de la société française étaient bien différents.
Je pense qu’il y a 30 ans, moi aussi j’aurais sifflé la Marseillaise et que même enfant, je refusais de chanter ce chant haineux, morbide et que la patrie, j’en avais rien à faire. Au contraire, être patriote était plutôt une tare, un comportement ridicule, aux relents de guerre, de l’occupation allemande. Le patriotisme, c’était l’affaire de l’extrême droite. C’était le super Dupont de Gotlib avec son béret, ses charentaises et sa miche de pain sous le bras. C’était le beauf qui était patriote.
En 1978, on s’ouvrait au monde, à l’Europe, on commençait à voyager partout grâce aux charters -de tourisme - on prisait l’esperanto, les citoyens du monde, la mode ethnique.
On pouvait transgresser l’identité nationale parce qu’elle était forte. Nos coutumes, notre culture, notre pays, nos traditions n’étaient pas menacées.
Le français était encore le langage diplomatique, la francophonie battait son plein, la France avait du prestige et les Français étaient bien accueillis dans la plupart des pays du monde.
Les choses ont bien changé depuis 30 ans. La francophonie s’est affaiblie au profit de l’anglais ou de l’espagnol ; le français n’est plus langue diplomatique : dans les institutions internationales, tout le monde parle anglais ; la culture française a perdu de son prestige et nos produits culturels s’exportent mal pour la plupart ; l’Aquitaine est redevenue britannique ; la côte d’Azur une enclave russe ; nos banlieues sont maghrébines et africaines ; les religions chrétiennes sont de moins en moins pratiquées alors que les pratiquants musulmans sont de plus en plus nombreux et imposent leur appartenance par des signes et des comportements très visibles ; le communautarisme s’est installé dans de nombreuses villes et quartiers ; les lois de la République sont contestées, remises en question, en particulier la laïcité ; etc.
Dans ce contexte où l’identité nationale française est ébranlée, le drapeau français est apparu dans des lieux où on n’avait pas coutume de le voir, comme les meetings ou les manifestations de gauche. Et la Marseillaise, malgré ses paroles abominables, est redevenue le symbole de l’unité nationale.
C’est pour toutes ces raisons que siffler la Marseillaise en 2008 n’a pas le même sens que la siffler en 1978.