Cher Auteur
Vous avez vous-même fuit l’ennui en changeant de travail (voter post de 23h56). Le meilleur des systèmes d’éducation, de même, ne peut offrir ce "changisme" à l’échelle où il opère. Il offrira donc au mieux 1/3 de moments passionnants, et 2/3 de chiants.
En effet, ne me faites pas croire que dans votre job, vous avez 9/10 de réunions épanouissantes et 1/10 d’ennuyeuses. La "recette magique" de l’enseignement passionant est délicate, et forcément temporaire.
Ainsi, toutes les ficelles sont piégées. Par exemple, se faire un peu complice en citant des émissions qu’ils regardent ou des héros qui sont les leurs, pour faire des analogies "passionnantes. Cela se retourne aisément en perte d’autorité. Par exemple se baser sur l’actualité (Soljenitsyne). Pierre en sera habillé mentalement et Paul déshabillé. Paul aime bien les enseignements structurés ou figurent toutes les étapes, sans se distraire à des analogies, et Pierre est comme Juliette, peut être, et profitera d’une approche "tous azimuths".
Enseigner (ou chercher dans mon cas) plus de dix ans les mêmes matières avec une passion équanime est réservé à des "happy few". A partir de là, on aimerait bien en effet que le rectorat et le mammouth sachent aider les "pas few" , la majorité, à construire dans la vallée de larmes qu’est l’épuisement nerveux au quotidien, quand vous cherchez à "faire comprendre" aux têtes jeunes, dans le monde pleins de distractions qui est le nôtre (cf un post de Céline plus haut).
Bernard Stiegler donne une vision assez complète de l’homme et la transmission des savoir-faire, en se basant sur le fait qu’il s’agit de techniques, et qu’elles sont par définition des extensions (des extériorités) inhumaines de l’humain. Il réutilise le concept simondonien de "trans-individuation". C’est ce que vous, vous cherchez ou souhitez "toujours tout le temps". Ca prouve que 99% de votre cerveau et de celui de Juliette sont bien faits.
Mais utilisez le 1% dont je n’ai pas parlé pour tirer les conséquences du fait que cette "transividuation" idéale, motivante, tisseuse de savoirs et de savoir-faire, dé-prolétarisante (elle rend maitre de l’évolution des savoir-faire, ce qui permet d’échapper au déclassement et à la désappropriation de ces savoirs, donc à la prolétarisation, au sens genéralisé de Stiegler, ce qui inclut le consommateur et le consommateur culturel victime du "populisme industriel" des médias), cette transindividuation, donc, ne peut "marcher" que pendant 20-40% du temps, au grand jamais pendant 100%. Comme si un bébé ne pleurait jamais : il reste des phases "dures", c’est la structure de nos savoirs qui le dicte, parce que on ne peut être enseigné , même dans l’ouverture, qu’en ayant intégré une structure puis en l’ayant dissolue dans autre chose.
Je ramènerai donc l’évaluation de l’EN à deux questions :
(1) est-ce que ces "bons" 20% là, ces bons profs ou bons moments, sont vraiment découragés dans le système (i e du vrai gachis) ou est-ce que le facteur humain ne fait pas que certains profs casent toujours cette flamme en eux ;
(2) est-ce que les 70-80% qui restent sont plus chiants que nécessaire (auquel cas, oui, il y a remède à chercher), compte tenu nénanmoins qu’ils sont plus mal vécus par le déajustement entre attentes d’un cerveau peu disponible (on sait pourquoi, M. Le Lay, cf post de Céline de nouveau) et exigence "ascètique" propre à l’enseignement (Lire "80% au bac .. et après" de S. Beaud).
Ce qui ne clot pas la question des moyens de l’EN. Pourquoi etre étonné de 1000 euros/an ?
Un salarié environné dans une boite high-tech est à > 100 kE de chiffre d’affaire. Avec 20% de benef pour la boite (20 kE), on prélève pendant 15 ans de carrière de ce salarié 5% de ce montant pour financer son futur remplaçant. Vu comme ça, le verre (dessiné en trompe l’oeil volontairement, la population est bien d’un facteur trois sous cette jauge) n’est plus à moitié vide, mais au dixième plein, même pas.
De nouveau, il faut savoir manipuler TOUS les ordres de grandeur. La gestion des rectorats reste un poème. Je crois d’ailleurs qu’à l’EN, il y a autant de personnel qui ne voit pas les élèves que de profs, 1 pour 1. Je n’ai pas revu de stat à ce sujet. Mais c’est un élément à méditer.
Bonsoir