source : http://www.mondialisation.ca/
LES LIGNES DE LA BATAILLE SE DESSINENT
Que se dégage-t-il des grandes lignes des deux approches opposées face au développement de la crise ? À présent, le plan Paulson fait manifestement partie d’un projet visant à créer trois colosses financiers mondiaux : Citigroup, JP Morgan Chase et bien entendu Goldman Sachs, la « maison » de Paulson, maintenant transformée en banque de façon assez opportune. Après être parvenus à arracher 700 milliards de dollars aux contribuables étasuniens par la peur et la panique, ces trois mastodontes utiliseront leurs muscles hors du commun pour ravager les banques européennes dans les années à venir. Tant que les plus grandes agences mondiales financières de notation - Moody’s et Standard & Poors - seront épargnées par les scandales et les auditions au Congrès, le pouvoir financier réorganisé de Goldman Sachs, Citigroup et JP Morgan Chase pourrait potentiellement se regrouper et faire progresser leur plan de bataille mondial dans les prochaines années, en marchant sur les cendres de la faillite de l’économie étasunienne, mise en banqueroute par leur folie.
En s’accordant sur la stratégie de nationalisation des banques que les ministres des Finances de l’UE estiment « trop stratégiques par leur caractère systémique pour être abandonnées » tout en garantissant les dépôts bancaires, les plus grands gouvernements de l’UE, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont pris le contre-pied des États-Unis, et ont opté pour une approche sur le long terme, qui permettra aux géants bancaires de résister aux attaques financières de géants comme Goldman Sachs ou Citigroup.
La liquidation spectaculaire des actions sur les bourses d’Europe et d’Asie est en réalité un problème secondaire, bien moins critique. Selon des rapports du marché, ce bradage est alimenté surtout par les fonds de placements (hedge funds) étasuniens, qui tentent désespérément d’obtenir des liquidités, car ils réalisent que l’économie étasunienne se dirige vers une dépression économique à laquelle ils seront exposés et que le plan Paulson ne prévoit pas de régler le problème.
Le problème le plus important, c’est de trouver un système bancaire et interbancaire solvable et fonctionnel. La débâcle de l’ABS était « made in New York ». Néanmoins, ses effets doivent être isolés et les banques viables de l’UE défendues dans l’intérêt public et non pas, comme aux États-Unis, dans le seul intérêt des banques des « copains de Paulson ». Les instruments non réglementés à l’étranger, comme les hedge funds et les banques et assurances non réglementées, ont tous participé à la construction de ce que j’ai appelé un tsunami de 80 000 milliards de dollars en ABS. Certains des gouvernements les plus conservateurs de l’UE ne sont pas sur le point d’adopter le remède proposé par Washington.
Tout en s’emparant des gros titres, la baisse coordonnée des taux d’intérêt de la BCE et des autres banques centrales européennes ne fait pas grand chose en réalité pour traiter le vrai problème : la peur des banques de se prêter entre elles tant que leur solvabilité n’est pas assurée.
En amorçant un état partiel de nationalisation dans l’UE, et en rejetant le système de renflouage Berlusconi-Sarkozy, les gouvernements de l’UE, cette fois menés de façon intéressante par l’Allemagne, mettent en place une base saine pour sortir de la crise.
Et c’est loin d’être terminé. C’est là une lutte pour la survie du Siècle étasunien, en construction depuis 1939 par la domination financière et militaire : les piliers jumeaux de la domination étasunienne.
Les banques asiatiques, gravement endommagées par la crise asiatique de 1997-98 pilotée par Wall Street, sont apparemment très peu exposées aux problèmes étasuniens. Les banques européennes sont exposées de différentes façons, mais aucune ne l’est aussi sérieusement que la sphère bancaire étasunienne.