Exhortation à une bonne sédition
La désobéissance dans le sens où elle serait libération de l’individu, est loin d’être gagnée. Désobéir en démocratie est bien moins risqué que de désobéir dans des dictatures qui se réfèrent à des lois à sens unique ; des lois scélérates ne servant que le tyran et ses séides. Un tyran n’est rien sans sa garde rapprochée. Le principe est fort simple : on sait que l’instinct de conservation est très aigu chez tout homme et qu’il suffit au tyranneau de payer une police bien conditionnée pour se protéger d’un peuple asservi qui aurait des velléités de rébellion. La peine de mort est assortie à ce processus de la loi du plus fort. Le trouillomètre est l’instrument indispensable au tyran. Quand les partisans du dictateur, les mieux payés, sont en nombre suffisant, le système est fermé, toute désobéissance maîtrisée chez ceux qui n’ont que les miettes. En démocratie, c’est plus subtil, l’astuce, c’est de jouer sur la peur de personnes habituées à un certain confort pour être élu. Disons que le politicien élu est un tyran au deuxième degré, en ce cas. La question à se poser est de savoir si le confort rend con ou fort. Disons qu’il rend frileux, attentiste, inconscient et pusillanime. Désobéir en dictature, c’est être bien seul et c’est risquer sa vie mais en démocratie, c’est un exercice de style qui trouve rarement des échos car la conformité, l’obéissance, sont des habitudes infiltrées sournoisement dans les âmes. On en perd la faculté d’indignation devant des lois scélérates, devant la légalisation de l’exploitation anonyme des actionnaires, des traders, tous ceux qui jouent au loto avec le salaire du travail des humbles. La démocratie sans vigilance, sans défense, subit de la sorte, une décadence qui avance ses pions subrepticement de jour en jour, et c’est la crise, et les personnes qui ont voté la sécurité se terrent un peu plus, et ceux qui voudraient désobéir n’ont pas l’opportunité d’exercer leur talent. Comme disait le philosophe Coluche : En dictature c’est : « ferme ta gueule » et en démocratie, c’est : « cause toujours ». Il se trouve que la démocratie, devenue tyrannie éclatée, se compose d’une multitude de petits tyranneaux gagnant chaque jours des points à tirer la couverture à eux. La disparité de fortune est fondée sur le principe d’abêtissement des uns et d’initiation des autres. Mais il se trouve que la couverture craque en ce moment : c’est la crise. Alors ! Que veut dire « désobéir » dans un tel contexte et est-ce que ce n’est pas déjà trop tard pour y penser ? Le système d’inégalités ne laisse plus la liberté de réagir. Pour être vraiment désobéissant, il faut un motif valable inspiré par des valeurs nobles au dessus de l’anesthésie générale ; il faut inventer une nouvelle désobéissance et faire que celle-ci soit contagieuse. Le contexte démocratique qui est encore le nôtre est un privilège que l’on sait défendre si l’on en connaît la valeur. De deux choses l’une : ou nos valeurs démocratiques généreuses s’exportent et c’est une bonne contagion, ou l’inverse se produit et nos élus hurlent avec les loups qui tyrannisent impunément leurs peuples. Désobéir, quel joli mot ! Nos élus ont-ils la carrure d’un tel héroïsme ? Quel pouvoir ont-ils devant le veau d’or ? Les politiques ont laissé filer la décision vers les multinationales, les sociétés financières sans domicile fixe, si l’on peut dire. Le « nerf de la guerre » est entre leurs mains, ils ont le pouvoir. Désobéir ce serait militer effectivement pour une régulation du trafic de devises où l’intérêt général serait pris en compte. Désobéir au sens le plus noble, c’est déranger, c’est le risque, c’est l’aventure vraie. Dites-moi, vous en connaissez encore, vous, de vrais aventuriers ? Qu’est-ce qu’il y a à la télé ce soir ? Du rêve, de la drogue, de la pub débile et Amy Winehouse qui chante : They tried to make me go to rehab and I said no,no, no ! La désintoxication, il faut encore le vouloir et le pouvoir. Désobéir ! Ce mot est plein d’espérance ; là commence le rêve constructif. Quel courage déjà de le suggérer ! Pas facile de sortir des addictions avant la présentation de l’addition, faire qu’elle soit moins lourde.
A.C