Le web n’est pas un système ou une idéologie en soit mais un outil, il ne peut donc en tant que tel représenter la matrice d’un modèle de fonctionnement social ou politique. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler qu’il est né en tant que système militaire avant de devenir académico-scientifique pour finir aujourd’hui comme un outil comme un autre du capitalisme. Il n’est pas porteur de valeur en soi et s’adapte aux objectifs de ceux qui l’utilisent.
Internet n’est qu’un moyen de communication qui a permis une plus large diffusion auprès du grand public du modèle de fonctionnement communautaire qui existait depuis bien longtemps. De plus, le web propose des modalités particulièrement adaptées à la gestion de questions dématérialisées mais nécessite un relais opérationnel dès qu’il s’agit de conséquences physiques.
Ce fonctionnement communautaire n’est malheureusement pas aussi idéal que l’auteur semble le croire. Tout d’abord, le choix d’adhésion à une communauté doit être bijectif : il ne suffit pas de vouloir rejoindre une communauté, encore faut-il que celle-ci vous accepte, il y a là une large part d’arbitraire. Ce problème ne se pose pas dans ces termes pour une autorité territoriale pour laquelle vous êtes de facto sujet aux même droits et contraintes par votre présence sur le territoire.
D’autre part, au sein de la communauté, tous les acteurs ne sont malheureusement aussi égaux qu’elle veut bien le prétendre. Le plus souvent, des groupes d’influences au pouvoir basé sur l’activisme, l’ancienneté ou l’habileté de la communication parviennent souvent à imposer leurs choix. Non seulement l’autorité n’est pas également partagée, mais ce partage inégal est totalement opaque car informel.
« Les comportements néfastes sont aussi sanctionnées par les acteurs du réseau : les spammeurs par leurs hébergeurs »
Je me permets de douter de l’efficacité de cette sanction de la communauté compte-tenu du volume de spam quotidien dans ma boite aux lettres électronique. La fameuse régulation par la communauté est gangrénée par la multiplication des faux utilisateurs qui viennent appuyer le point de vue que l’on souhaite imposer. Et quand les utilisateurs sont réels, c’est le manque d’information les concernant qui ne permet pas d’apprécier correctement leur contribution.
Dans le cas de l’évaluation d’un produit, combien de temps l’utilisateur a-t-il testé ? dans quelles circonstances ? pour quelle utilisation ? avec quel niveau de compétences ? quelles étaient les attentes ? etc. Autant d’incertitudes qui font que ce type d’évaluation est beaucoup moins fiable qu’une norme de sécurité scientifiquement établie, testée rigoureusement par le personnel formé et assermenté d’un organisme officiel.
« l’autorité est communautaire et décentrée. Elle se limite à l’essentiel et n’impose pas de choix moraux ou idéologiques »
Cela me semble inexact. En fait tout dépend de la communauté à laquelle vous adhérez. Vous ne ressentez pas de contraintes morales ou idéologiques car vous choisissez d’adhérer à des communautés correspondant à vos valeurs.
« une encyclopédie surpassant en qualité les équivalents créés sur un mode d’organisation traditionnel »
Wikipedia est certes un projet très prometteur dont certains articles ont acquis un niveau de qualité tout à fait remarquable mais il est faut de dire qu’aujourd’hui sa qualité globale est supérieure à celle d’une encyclopédie traditionnelle, même si les progrès sont rapides et encourageants.
« Qui mieux que celui qui s’intéresse à un sujet est capable de le gérer ? »
Celui qui en a les compétences et les moyens. Il ne suffit pas de lire Sciences & Vie pour faire fonctionner une centrale nucléaire.
La communauté ne peut-être le seul organisme régulateur la masse de travail dont elle aurait à s’affranchir excédent largement le temps qu’elle pourrait y consacrer. Seuls les plus organisés, les plus disponibles, les plus motivés, les plus rusés pourraient décider, on tombe alors dans l’oligarchie ou la démagogie. Pour l’éviter, la communauté doit donc organiser une représentation à laquelle elle délègue certains pouvoirs (on remarque que c’est le cas sur Internet pour tous les projets prenant une certaine ampleur). Cette représentation, elle existe également hors d’internet ce sont les instances européennes, l’État, les collectivités locales qui sont censés représenter les citoyens (les membres de la communauté territoriale). Ce sont également les associations, les partis, les syndicats, bref les acteurs d’une vie sociale dont à trop vouloir se désintéresser en se cloitrant chez soi devant son ordinateur ou sa télévision, on oublie que c’est aussi avec son voisin d’en face qu’on forme une communauté.
« Simple question. Et réponse évidente. »
Le fait que vous trouviez la réponse aussi évidente m’amène à penser que vous n’avez pas envisagé tous les aspects du problème. Internet offre des solutions techniques pour soutenir des modes de fonctionnement différents qui méritent qu’on les approfondisse mais le web n’est pas la solution miracle aux maux du monde.