Je partage votre conclusion, pas tant sur la nécessité de pouvoir contredire le génocide, que sur le fait que l’Assemblée Nationale vient de voter là une loi que je qualifie d’ânerie. Outre les arguments que vous avez cité, qui se déclarent en faveur de l’argumentation plutôt que du dogme, vous auriez pu pointer également l’effet contreproductif de ce texte. Devedjian justifiait son vote en affirmant que cette loi était favorable à la paix civile. Je crois plutôt qu’elle satisfait une communauté (arménienne, en l’occurrence) en en désignant une autre (turque)comme « coupable ». Cela sert surtout le communautarisme, qui n’est pas franchement le meilleur garant de la paix civile. Mais au-delà de la situation en France, il y a les répercussions en Turquie. Passons sur les inconvénients diplomatiques, stratégiques et économiques qu’il y a à se fâcher avec la Turquie pour en rester au débat sur le génocide arménien. En Turquie, une loi aussi bête que celle que viennent de prendre nos députés interdit la qualification des massacres de 1915-1917 en génocide. Ces derniers temps, le gouvernement et la justice turcs étaient moins pressés de faire appliquer cette loi (les poursuites engagées à ce titre contre Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature, ont été abandonnées en début d’années). Mieux : la Turquie avait proposé à l’Arménie la formation d’une commission bi-nationale d’historiens chargés d’étudier cette question. Or, en favorisant les crispations en Turquie, (effet visible dans les manifestations dans ce pays), la loi française risque de faire reculer le gouvernement d’Ankara sur ces sujets. CE qui est contraire à ce qu’ l’on recherche par ailleurs, à savoir obtenir la reconnaissance du génocide par la Turquie.