Je me souviens très bien que les enseignants du Supérieur, ceux qui ne cessaient de nous dire que les enseignants du secondaire n’étaient que des intellectuels ratés (qui avaient moins bien réussi qu’eux-mêmes, enseignants du Supérieur, naturellement), ces enseignants supérieurs donc étaient très attachés à la méthodologie de la dissertation. Laquelle méthodologie de la dissertation n’a jamais eu à mes yeux de plus grand mérite que de rendre la copie de l’étudiant plus transparente et donc plus facile à évaluer. La réalité de la construction intellectuelle, c’est qu’elle passe par un chemin littéral avec des repères et des incertitudes qui rende le trajet sinueux, d’une longueur et d’une durée parfaitement aléatoire. Je ne disserterai pas plus longtemps pour dire pour que les baronnies de la science ont aussi leurs petitesses corporatistes et que l’esprit critique est autant une vertu qu’une science.
Je suis plutôt d’accord avec Paul Villach pour rappeler à la nécessité de la vertu dès lors qu’il s’agit de citoyenneté, et que cela concerne autant le menu peuple que les élites dans les allées du Pouvoir. Pour autant, dès lors que l’on a une responsabilité publique, on ne peut ignorer que la capacité d’attention de nos concitoyens est limitée et qu’il faut composer avec ces limites. Le choix est entre le respect de la contrainte de la simplicité et la démagogie. Dans une démocratie, le rôle des représentants élus est de rendre identifiable les alternatives fondamentales en obligeant les techniciens à rendre compte de leur efficacité et de la limite de leurs compétences. Cela rend le rôle des élus fragiles, ils préfèrent presque toujours se montrer en techniciens compétents, et bafouiller eux-mêmes le langage technocratique, plutôt qu’exposer les incertitudes et les limites des choix qu’ils discernent. Quand les maîtres ont besoin de faire croire qu’ils maîtrisent, les voix de la démagogie chantent.