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Commentaire de Malika

sur Le bilan positif du colonialisme (français)


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Malika (---.---.166.50) 16 octobre 2006 18:33

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Dans le “journal of the Anthropological Society of London, vol. 165, 1864” fut publié un compte rendu des débats de la Conférence. Il s’agissait de savoir si dans tous les cas de colonisation il serait inévitable l’extinction des races inférieures, ou si jamais il serait possible qu’elles puissent coexister avec la race supérieure sans être éliminées (10). A l’époque, l’Angleterre avait déjà commis, outre le génocide des Indigènes en Amérique du Nord, celui des Aborigènes d’Australie dont les Tasmaniens. En France, Albert Sarrut, tenant discours aux élèves de l’Ecole coloniale affirmait : « il serait puéril d’opposer aux entreprises européennes de colonisation un prétendu droit d’occupation [...] qui pérenniserait en des mains incapables la vaine possession de richesses sans emploi (11). » . De son côté, le sociologue français Georges Vacher Lapouge, soutenait qu’il n’y avait rien de plus normal que la réduction en esclavage des races inférieures et plaidait pour une seule race supérieure, nivelée par la sélection.

On remarquera que la plupart des anthropologues allemands, même convaincus de leur supériorité raciale, ne partagent pas avec leurs collègues britanniques, nord-américains et français, la conviction que les races inférieures doivent nécessairement disparaître au contact de la civilisation. Le professeur Théodore Waitz par exemple, développe entre 1859-1862 un travail pour contester le bien fondée des théories propagées par ses collègues occidentaux, engagés dans la justification scientifique des exterminations commises par leurs pays. Par la suite, son élève George Gerland fait en 1868 une étude sur l’extermination des races inférieures. Il dénonce la violence physique exercée par les colonisateurs comme étant le facteur d’extermination le plus tangible. Et affirme qu’il n’existe aucune loi naturelle qui dit que les peuples primitifs doivent disparaître pour que la civilisation avance. Le plaidoyer de ce scientifique allemand pour le droit à la vie des races dites inférieures est un fait rarissime dans cette période de l’histoire.

En 1891 le professeur allemand Friedrich Ratzel publie son livre « Anthropogeographie » et dans le dixième chapitre sous-titré « Le déclin des peuples de cultures inférieures au contact avec la culture », il exprime son hostilité concernant la destruction des peuples indigènes : « C’est devenu une règle déplorable, que des peuples faiblement avancés meurent au contact avec des peuples hautement cultivés. Cela s’applique à la vaste majorité des Australiens, des Polynésiens, des Asiatiques du Nord, des Américains du Nord et des nombreux peuples d’Afrique du Sud et d’Amérique du Sud. (...) Les Indigènes sont tués, chassés, prolétarisés et l’ont détruit leur organisation sociale. La caractéristique principale de la politique des Blancs est l’usage de la violence par les forts sur les faibles. Le but est de s’emparer de leurs terres. Ce phénomène a pris sa forme la plus intense en Amérique du Nord. Des Blancs assoiffés de terres s’entassent entre des peuplements indiens faibles et partiellement désintégrés » (12). Ce serait le dernier discours dans lequel le professeur Ratzel exprimerait un point de vue aussi peu favorable à l’extinction des peuples inférieurs.

Les anciennes puissances négrières réunies à Berlin en 1884-1885, officialisent le dépècement de l’Afrique. L’Allemagne s’assure le contrôle du Sud-Ouest africain (c’est-à-dire la Namibie), de l’Est africain (correspondant aux territoires actuels de la Tanzanie, du Burundi et du Rwanda) et aussi le contrôle sur le Togo et le Cameroun. La rentrée de l’Allemagne dans l’entreprise coloniale marque un hiatus sensible entre le discours des scientifiques allemands avant les années 1890 et celui qu’ils auront après les années de 1890 sur le même sujet : l’extermination des races inférieures ou leur asservissement suivant les besoins des conquistadores et le progrès de la civilisation. En effet, en 1897 le professeur Ratezl publie son ouvrage « Géographie politique » dans lequel, l’auteur prend fait et cause pour l’extermination des races inférieures. Il affirme qu’un peuple en développement qui a besoin de plus de terres doit donc en conquérir « lesquelles, par la mort et le déplacement de leurs habitants, sont transformées en terres inhabitées » (13). La domination économique combinée à des méthodes racistes, a donné naissance à la suprématie blanche chrétienne. Son idéologie hégémonique règne sans partage sur la planète et connaît tout son splendeur entre la seconde moitié du 19ème et la première moitié du 20ème siècle. Même dans les anciens pays colonisés, l’extermination des races inférieures avait lieu de politique officielle.

La plupart des pays d’Amérique sont devenus indépendants au 19ème siècle. Les classes dirigeantes de ces pays, se croient blanches parce qu’elles sont issues des aventuriers européens qui souvent violaient les femmes indigènes. Arrivées au pouvoir suite aux guerres d’indépendance, ces élites se sont toujours identifiées à leur ancêtre blanc. De fait, elles adoptèrent les méthodes d’extermination des Indigènes hérités de la colonisation. En avril 1834, les autorités d’Argentine, pays indépendant depuis peu, déclenchent la « Campaña del Desierto » (Campagne du Désert), dont le but est l’extermination des survivants Indigènes qui occupent la pampa. Dirigée par Juan Manuel de Rosas, devenu Président d’Argentine à partir de 1835, cette campagne fut coordonnée avec le gouvernement du Chili. Aussi, le premier gouvernement constitutionnel d’Uruguay, dirigé par Fructuoso Rivera, s’est joint à la Campagne qui devait transformer ces terres en espaces inhabités...

Malgré la violence extrême de la ‘Campagne’, tous les Indigènes ne sont pas morts, au grand dam du président Rosas pour qui les Indiens se reproduisaient comme des insectes. Pour remédier à cet échec, en 1878, par initiative du Ministre de la Guerre Julio Argentino Roca, le Congrès National argentin vote et approuve la loi « de expansión de las fronteras hasta el Rio Negro » (expansion des frontières). C’est le point de départ de la seconde « Campagne du Désert » qui doit définitivement vider la Pampa de sa population indigène pour faire avancer la civilisation.

La « Campagne » a lieu au moment où les survivants Indigènes sont traqués partout dans le continent. En Amérique du Nord ils sont massacrés et refoulés afin de libérer un espace devenu vital pour l’installation de familles civilisées, c’est-à-dire blanches. En Argentine, l’objectif avoué de la « Campagne » était le même : Remplacement de la population locale par une population civilisée pouvant garantir l’incorporation effective de la Pampa et la Patagonie à la nation de l’Etat Argentin. Quelques décennies plus tard, Heinrich Himmler défendrait le même principe de remplacement des populations lorsqu’il affirmait : « Le seul moyen de résoudre le problème social, c’est pour un groupe, de tuer les autres et de s’emparer de leur pays » (14). Mais, pour le moment, cela se passait en Amérique et au détriment de populations non-Européennes. Le Ministre Roca, qui est à l’origine de la seconde « Campagne du Désert », a même gagné les élections en 1880 et est devenu Président de l’Argentine.

Bien sur ! Quelques voix se levèrent pour critiquer la barbarie des atrocités commises pendant la Campagne. Mais, dans l’ensemble, l’infériorité des victimes n’était pas contestée et le gouvernement de Julio Roca appelé le conquistador du Désert, est perçu comme le fondateur de l’Argentine moderne. L’histoire de ce pays a retenu surtout, que c’est sous la Présidence de Roca que le pays a avancé vers la séparation de l’église et l’Etat, le mariage civil, le registre civil des naissances et l’éducation laïque. Une des plus grandes villes de la Patagonie porte le nom de Roca. Il n’y a pas long temps, l’historien Félix Luna affirmait sans rire : « Roca a incarné le progrès, il a intégré l’Argentine dans le monde : je me suis mis à sa place pour comprendre ce qui impliquait d’exterminer quelques centaines d’indiens pour pouvoir gouverner. Il faut considérer le contexte de l’époque où l’on vivait une atmosphère darwiniste qui favorisait la supervivence du plus fort et la supériorité de la race blanche (...) Avec des erreurs, des abus, avec un coût Roca fit l’Argentine dont nous jouissons aujourd’hui : les parcs, les édifices, le palais des Œuvres Sanitaires, celui des Tribunaux, la Case du Gouvernement » (15).

On remarquera que depuis le premier génocide des temps modernes, commis par les chrétiens en Amérique à partir de 1492, la situation des peuples non Européens en général et des Noirs en particulier, se trouve rythmée par les exigences de la suprématie blanche. Dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, le Noir expulsé hors de l’espèce humaine en tant que sous-homme ou bien meuble, ne fut jamais réintégré ou réinstallé dans son humanité. Et les survivants indigènes étaient massivement massacrés pour rendre inhabitées leurs terres. En Afrique, le peuple congolais, sous l’administration de ce bourreau qui fut le Roi Léopold, est soumis à des formes d’asservissement causant la destruction de la moitié de la population qui est passée de vingt millions à 10 millions d’habitants (16). Dans ce même continent, l’Allemagne aussi, comme d’autres avant elle, appliquera les bons principes de la colonisation. Entre 1904 et 1906, soit en l’espace de deux ans, les Allemands exterminèrent les trois quarts du peuple Herero. Sans compter les morts des Nama, Baster, Hottentots, etc (17).

Dans le cadre de la domination coloniale allemande en Namibie, le professeur Eugen Fischer va étudier en 1908, chez les Baster installés à Rehoboth « le problème de la bâtardisation chez l’être humain ». Les recommandations du chercheur sont sans détour. On lit dans son traité à propos des métis : « Qu’on leur garantisse donc le degré précis de protection qui leur est nécessaire en tant que race inférieure à la nôtre, rien de plus, et uniquement tant qu’ils nous sont utiles -autrement, que joue la libre concurrence, c’est-à-dire, selon moi, qu’ils disparaissent. (18) » Ce travail dans lequel le professeur Fischer considérait avoir démontré scientifiquement l’infériorité des Noirs, fit la gloire de son auteur dont le prestige alla au-delà des frontières du pays. Des années plus tard, lorsqu’en 1933 Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne, tout naturellement, le professeur Fischer mettra au service de la politique raciale du nouvel Etat le prestige et l’autorité que lui conférait sa condition de scientifique de renommée mondiale. En fait, ce fut le cas de l’establishment scientifique dans l’ensemble (19).

C’est un fait vérifiable, à la fin du 19ème et pendant les premières décennies du 20ème siècle, l’extermination d’êtres inférieurs ou la programmation de leur disparition, était une réalité qui ne soulevait pas de grandes vagues de solidarité à l’égard des victimes. C’est pourquoi les dirigeants nazis s’appliquèrent à convaincre les Allemands que les Juifs, ainsi que les Slaves et autres groupes, étaient différents et en conséquence étaient inférieurs. C’est dans ce contexte si favorable à l’extermination des inférieurs, que les conseillers scientifiques du plan quadriennal chargé de planifier l’économie de l’Allemagne nazie, poussant la logique de l’anéantissement plus loin que leurs prédécesseurs, et dans une combinaison aussi terrible que sinistre entre les facteurs idéologiques et les motivations utilitaires, ont programmé l’extermination à l’Est, de 30 millions d’êtres humains.

Dans leur essai « Les architectes de l’extermination », Susanne Heim et Götz Aly soulignent que les planificateurs de l’économie, choisis non pas en fonction de leur militance politique mais de leur compétence professionnelle, fondaient leur dossier sur des considérations purement économiques et géopolitiques, sans la moindre référence à l’idéologie raciale. Ils rapportent le procès-verbal d’une réunion pendant laquelle, les conseillers économiques ont expliqué en présence de Goebbels leur plan d’approvisionnement alimentaire.

Ce dernier nota dans son journal le 2 mai 1941 : « La guerre ne peut se poursuivre que si la Russie fournit des vivres à toutes les forces armées allemandes durant la troisième année de la guerre. Des millions de personnes mourront certainement de faim si les vivres qui nous sont nécessaires sont enlevés au pays. (20) » En effet, ce plan devait faire mourir environ 30 millions de Slaves dans un premier temps. Mais cela devait assurer l’approvisionnement des vivres pendant une année et en plus, rendre inhabitées des terres où des familles allemandes seraient installées.

Ainsi, Hermann Göring, dont le père fut le premier gouverneur allemand en Namibie, pouvait dire en 1941 à son compère le ministre italien des Affaires étrangères, le comte Ciano : « Cette année, 20 à 30 millions de personnes mourront de faim en Russie. Peut-être est-ce pour le mieux, puisque certaines nations doivent être décimées. (21) » Ceux qui, dans une association extrême de l’idéologie raciste et la motivation utilitaire, programmaient l’extermination de 30 millions de Slaves, pouvaient programmer sans état d’âme, l’extermination d’un autre groupe considéré aussi inférieur, dans l’occurrence les Juifs.

Il n’est pas un hasard que le Professeur Wolfang Abel : « Chargé par le haut commandement des forces armées de réaliser des études anthropologiques sur les prisonniers de guerre soviétiques, proposa entre autres options la liquidation du peuple russe. (22) » Le professeur Abel fut l’élève du Professeur Fischer avant de devenir son assistant. Ensemble, ils formèrent les premiers experts scientifiques chargés de sélectionner ceux qui, coupables de ne pas être Aryens devaient être exterminés à Auschwitz ou ailleurs (23).

Quant aux Soviétiques : « Au 1er février 1942, sur les 3,3 millions de soldats de l’Armée rouge fait prisonniers, 2 millions étaient déjà morts dans les camps allemands et au cours des transports, soit 60%. Si l’on enlève les trois premières semaines de guerre, au cours desquelles les premiers prisonniers purent puiser dans leurs réserves corporelles, ce chiffre correspondait à un taux de mortalité de 10 000 hommes par jour » (24).

La très grande majorité des Allemands, heureuse de se trouver du bon côté, accepta le fait accompli, c’est-à-dire l’exclusion des non-Aryens, et en retira tout le bénéfice possible. Il va sans dire qu’à l’époque, la solidarité à l’égard des groupes considérés inférieurs ne faisait pas vraiment recette dans la culture dominante. Plusieurs siècles de matraquage idéologique pour justifier l’écrasement des peuples colonisés et asservis, n’avaient pas certainement favorisé l’humanité de ceux qui en profitaient (25).

Comme le dit si bien Aly : « Le gouvernement nazi suscita le rêve d’une voiture populaire, introduisit le concept de vacances pratiquement inconnu jusqu’alors, doubla le nombre des jours fériés et se mit à développer le tourisme de masse dont nous sommes aujourd’hui familiers. (...) Ainsi, l’exonération fiscale des primes pour le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés accordés après la victoire sur la France, et considérée, jusqu’à sa remise en cause récente comme un acquis social. (...)Hitler a épargné les Aryens moyens aux dépens du minimum vital d’autres catégories » (26). L’argent spolié aux Juifs d’Europe et aux pays sous occupation allemande a bien servi au gouvernement nazi pour financer sa politique sociale visant à favoriser le niveau de vie de la population aryenne. On comprend qu’après la guerre, tant d’Allemands pouvaient admettre en privé, avoir vécu la période la plus prospère de leur vie sous le gouvernement nazi y compris pendant la guerre... La domination coloniale sur d’autres peuples a toujours fourni les conditions indispensables pour la mise en place de systèmes d’asservissement et déshumanisation froidement réglés. Ce fut le cas dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, où les puissances coloniales ont inventé un système juridique à l’intérieur duquel, la bestialisation des Noirs parce que Noirs, se faisait en toute légalité. Au 19ème siècle, la colonisation britannique en Australie a renoué avec le génocide commis en Amérique du Nord. En Afrique, les peuples congolais ont souffert leur Adolf Hitler incarné par le Roi des Belges qui non satisfait de faire mourir la moitié des populations, faisait couper la main à ceux qui chercheraient à fuir les travaux forcés (27). En Namibie, l’Allemagne coloniale a commis son premier génocide et, je peux continuer mais je peux aussi m’arrêter. Il y a assez pour comprendre que l’entreprise nazie de déshumanisation, s’inscrit dans une continuité, jalonnée sans interruption par la barbarie coloniale.

A la fin de la guerre, les puissances coloniales, victorieuses, ont décrété que le nazisme était incompréhensible et effroyable parce que derrière ses atrocités il n’y avait aucune rationalité économique. La motivation utilitaire ayant toujours servi à cautionner les entreprises de déshumanisation menées contre d’autres peuples non-Européens, il fallait absolument que l’entreprise nazie de déshumanisation soit dépourvue de toute motivation utilitaire. De là, cet approche réductionniste qui a historiquement isolé le nazisme, et focalisé l’attention sur les atrocités commises par les nazis, en faisant abstraction des facteurs sans lesquels, chacun devrait le savoir, ce désastre effrayant n’aurait jamais atteint la disproportion que nous savons.

Rosa Amelia Plumelle-Uribe

Alger


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