Bonjour Armand,
Tu as écrit
"Sans parler d’un certain sadisme psychologique très particulier aux professions qui ne comportent pas de risque physique (c’est une dame professeur, en fin de carrière, qui me l’a dit à mes débuts)."
Les chercheurs en sciences humaines devraient se pencher sur cet aspect des choses.
J’ai bossé dans le bâtiment et dans la restauration (cuisine) Dans ces deux domaines, on y engage son corps, vraiment on le sacrifie ou on s’en sert, on en use pour qu’il produise la valeur ajoutée de notre commerce. Aux accidents près (que l’on intègre constamment et qu’on est prêt à subir) ce sacrifice, cette auto immolation de soi est volontaire. On se lève en sachant d’avance qu’on va rentrer le soir plus usé que la veille.
Mais il y a bien pire que ces professions là, il y a par exemple les boulots sur les navires hauturiers, il y a les boulots dans les mines, dans les décharges, dans les usines de traitement des eaux usées.
Il y a ainsi une certaine proportion de notre population qui fonctionne, qui opère tous les jours avec et par le sacrifice conscient de leur corps, de leur santé, de leur sang, de leur espérance de vie, de leur vie.
Ceux-là, ceux qui offrent leur corps quasiment sans réserves sont profondément respectueux du corps de l’autre. Ce sont eux qui, en cas de catastrophe, vont surengager leur corps pour sauver des "collègues" en sursis.
Pendant ce temps, sans qu’il y ait de frontière bien nette entre les uns et les autres, il existe une autre proportion de gens qui, en aucune circonstance (pas même pour enfanter, pas même pour sauver leurs gosses), n’acceptent de payer de leur personne. Aucun de ces frileux-couards ne se retrouvera sur le tableau d’Eugène Delacroix "La Liberté guidant le peuple"
Quel est alors leur regard sur l’engagement sacrificiel permanent des autres ?
Ce regard ne peut verser que dans quelque chose oscillant entre le mépris et le sadisme bien rentré (ignoré)
Il y a cependant des miracles, il existe des gens bien préservés de toutes les souffrances physiques mais qui ont une extraordinaire empathie pour ceux qui engagent leur corps
Lorsque je fais connaissance avec quelqu’un, je commence par vérifier d’abord s’il risque ou non sa vie dans son travail de tous les jours (les risques de la route devant être considérés pour ceux qui y sont tout le temps) puis je vérifie s’il a de la considération pour ceux qui la risquent.