J’étais assez tenté de répondre comme Zen, mais finalement, il me semble qu’autant nous étions centrés sur la question des sectes, autant ce fil aborde la question de l’épistémologie et de la démarcation entre science et non science.
Je ne doute pas que la lecture de Bachelard soit édifiante, mais je ne saurais trop recommander la lecture de Latour "La science en action" qui, avec les autres sociologues des sciences a fait apparaître les dynamiques sociales (et donc foncièrement irrationnelles) qui commandent le discours scientifique.
Les "vérités scientifiques" ne sont que les accords relatifs et temporaires à laquelle une part de la communauté scientifique parvient en faisant taire la part dissidente.
Il y a une certaine rationalité dans la démarche scientifique, mais elle apparaît toujours mieux a posteriori quand il s’agit d’arranger l’histoire pour la postérité.
Si vous lisez l’histoire des sciences au coeur du processus de fabrication (lisez Latour encore sur Pasteur) vous toucherez du doigt que la science est faite par des hommes qui sont très loin de la mythologie bon enfant véhiculée par Zalka.
La plupart du temps, les scientifiques sont des salariés, donc forcément à la solde de ceux qui les financent. Point barre. Ils regardent là où leur dit de regarder et pas ailleurs même s’ils voudraient bien vu qu’ils n’auront pas les financements.
Basiquement la science n’est ni rationnelle dans ses développements, ni intrinsèquement morale. Pour parler scientifique, je dirais que l’irrationnalité est dense en science comme dans toutes les affaires humaines.
Comme la médecine, la science s’est, à quelques exceptions près, toujours trouvé principalement à l’appui des pouvoirs coercitifs.
Bref, il y a une profonde naïveté à s’en tenir aux jugements prétendûment scientifiques dans une foultitudes de domaines.
Je vous rappelle que nous ne savons toujours pas expliquer pourquoi les pommes nous tombent sur la poire. Comme Locke l’avait très tôt signalé, l’hypothèse de l’attraction universelle n’est que la réification d’un phénomène. Tous les objets tombent vers la terre. C’est l’attraction. Très bien, mais alors, quelle explication pour l’attraction ? Nous attendons toujours les gravitons, personne ne les a encore vus.
Autrement dit, bien que je sois et darwinien pur sucre et mécaniste, je considère que le b a ba de l’éducation scientifique devrait être d’apprendre les limites de la science.
Ainsi quand Laplace répond à Napoléon qu’il n’a pas eu besoin de l’hypothèse Dieu, il a la modestie de ne pas prétendre savoir que Dieu n’existe pas. Il peut le croire. Mais c’est une croyance, comme une autre.
Une éducation aux limites de la science permettrait que des malades comme les "libres penseurs" ou les zététiciens ne viennent pas nous les brouter menu avec leur croyance dans la rationalité comme si cette notion qu’ils ne maîtrisent pas leur appartenait en propre et comme s’ils l’avaient reçue de je-ne-sais-quel Dieu de la science. Car pour sûr, la rationalité de la rationalité scientifique n’a jamais été démontrée scientifiquement. C’est juste une croyance conventionnelle.
La rationalité, au fond, c’est seulement du conséquentialisme, c’est-à-dire, le fait de suivre une logique. Et il est autant de logiques qu’il est de cultures.
Les indiens ont leur propre rationalité et souvent, sous le rapport de l’usage des plantes par exemple, elle est venue recouper notre rationalité scientifique occidentale.
Mais là où leur rationalité est certainement supérieure, c’est qu’elle n’aurait jamais amené la fabrication de l’arme atomique.
L’irrationnalité de notre rationnalité scientifique immorale et orgueilleuse, c’est que nous avons fabriqué ce par quoi nous allons périr.
Car la rationalité technologique veut qu’il n’est pas d’armes dont on ne se serve un jour ou l’autre.
Ainsi, il apparaît évident que l’on peut être tout à la fois rationnel et complètement fou.
Nous sommes dans un monde où la rationalité économique a été mise en avant de manière absolu avec la bénédiction de cette pseudo science qu’on appelle l’économie.
C’est un monde fou, nous le voyons bien à présent.
Si vous croyez que les savants vont vous sauver de ce désastre lié à l’incompréhension de ce qu’il y a d’irrationnel en l’homme, vous êtes bien naïf.
Si vous ne le croyez pas, alors vous savez qu’il ne vous reste qu’à agir, en tant que citoyen.
Et ça commence par garantir un maximum de libertés individuelles.
Et donc par une lutte pied à pied contre les diktats d’une Europe aux mains des lobbies.
L’anthroposophie a peut-être des conceptions délirantes qui nous donnent envie de la ranger parmi les sectes, mais cessons d’avoir peur de ceux qui diffèrent de nous.
Laissons leur la liberté de vivre comme il leur plaît pourvu qu’ils ne fassent violence à personne.
La lutte contre les différents me fait violence.
Car un jour serait le différent de quelque pouvoir.
Donc cessons de nous prélasser comme des grenouilles dans l’eau tiède.
Il est temps de sortir de la casserole.