L’offensive libérale sur l’école s’avance masquée :
"...La logique libérale, celle du " moins d’école ", menace la possibilité de réalisation d’une " école pour tous ". Outre son offensive quotidienne, déjà pleinement opérante, elle s’oriente autour de trois pôles : l’adaptation aux besoins des entreprises ; la mise en concurrence généralisée de l’éducation (avec l’imposition d’un mode de gestion " managérial ") ; le pari de l’" e-learning " (enseignement par l’intermédiaire de l’Internet).
Les projets se multiplient, avec la volonté affirmée de soumettre l’éducation aux critères marchands. Dans un rapport de la Commission européenne de 1995, Vers la société cognitive , on découvre que " la question centrale " est d’aboutir à " une plus grande flexibilité " du système éducatif. On apprend également que, " faites pour éduquer et former le citoyen ou le salarié destiné à un emploi permanent ", les institutions éducatives sont " encore trop rigides ".
Un autre rapport commandé par la Commission indique, de son côté, que " les systèmes d’éducation ne sont pas assez conscients des contraintes de compétitivité ". C’est pourquoi, selon la prose euphémique des " éducateurs " libéraux, il convient " d’organiser la pédagogie et les accréditations de façon que l’acquisition de savoirs et l’acquisition de comportements aillent de pair ". Les " comportements " en question sont, bien entendu, ceux de l’" employabilité " et de la " flexibilité ". Dans un autre document de 1998, la Table ronde des industriels européens (ERT) dont font partie les PDG de 44 très grandes entreprises de 16 pays européens, réitère son appel " pour qu’une plus grande importance soit donnée à l’esprit d’entreprise dans les écoles et les collèges ".
La privatisation du système éducatif paraît a priori la plus adaptée à ce programme de soumission de l’éducation aux impératifs de l’économie. Comme le soutient la Banque mondiale, " bien que l’Etat conserve encore un rôle central pour assurer les services de base - éducation, santé, infrastructures - il n’est pas évident qu’il doive en être le seul fournisseur, voire un de ces fournisseurs " . Un danger qui plane d’ailleurs sur les négociations actuelles de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) menées à l’Organisation mondiale du commerce (OMC)5 . Le versant libéral de " la formation tout au long de la vie " a déjà suscité la création d’universités d’entreprise, qui, de Motorola à Reebok pour les Etats-Unis, d’Axa à Bouygues pour la France (qui en dispose d’une quarantaine) vise à réduire l’universalité de l’Université aux intérêts particuliers des puissances économiques.
Pour l’instant, c’est surtout à l’intérieur même des secteurs publics que se mène cette offensive...."