C’est étrange : en vous lisant, j’ai l’impression de revenir vingt ans en arrière (au moins).
Oui : les classiques ont leurs limites.
Je suis d’accord avec ça. Et Onfray m’ennuie à mourir.
Ayant fait un doctorat en philosophie antique, il y a dix ans, j’en ai acquis la conviction que nous ne devrions pas lire les textes anciens comme des « classiques », mais comme des textes inscrits dans des contextes et des problématiques qui pour une large part nous sont désormais tout à fait étrangers. Mais pas totalement étrangers (encore heureux !). Et donc : en revivifiant si on peut dire, le contexte polémique et les enjeux de la démocratie athéienne, ou de la morale aristotélicienne, ou des débats théologiques de l’époque de Plotin, on peut éventuellement envisager peut-êtrre pas des comparaisons avec le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui (dans une certaine partie de l’occident), mais au moins des inspirations je dirais « styllistiques ». Je pourrais développer ça si vous voulez mais bon, on est sur agoravox, mieux vaudrait en causer de vive voix.
En vous lisant, je songe aussi que la littérature en philosophie politique est incroyablement vivante depuis John Rawls. Plongez-vous si ce n’est déjà fait dans les livres de Michaël Walzer, Richard Rorty, Stanley Cavell, Charles Taylor, Ian Hacking, Bruno Latour, Isabelle Stengers, Sandra Laugier, Pierre Manent, Marcel Gauchet (vous voyez, je cite aussi bien des gens de gauche que de droite) et j’en passe et des dizaines là.
Le retour aux textes anciens oui ! mais comme des textes vivants, pas comme c’est le cas trop souvent des catalogues de prêts à penser dont l’interprétation serait à jamais fixée. Et surtout lire les grands textes d’aujourd’hui.
Par contre, je ne veux pas croire comme vous le dites à la fin de votre texte que « l’initiation philosophique n’a pas d’autre but que de partager ensuite le plaisir d’une libre discussion argumentée avec un autre initié. »
Bien que j’aurais plaisir à discuter avec vous sur ce mode, je crois que les philosophes doivent eux-aussi faire aux collectifs des propositions (pas moins que les autres disciplines). Absolument pas dans le but de « former des citoyens » (les citoyens sont déjà suffisamment sollicités de ce point de vue) : mais dans le but d’interroger certains discours qui semblent aller de soi, dans une perspective critique ou constructive, en rappelant par exemple que les horizons qui sont présentement les nôtres ne vont pas de soi etc.
« ça ne va pas de soi »... je me souviens cette parole marmonée comme une ritournelle par un vieux maître de philosophie, penché une année durant sur les deux premières médiations de Descartes. Oui. Cette rumination : « ça ne va pas de soi ».. IL faut qu’elle soit entendue. C’est peut-être le rôle public des philosophes que de marmonner que les choses ne vont pas de soi qu’en pensez-vous ?