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Commentaire de Yrom

sur Obama, l'Afrique et le Monde


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morytraore.com Yrom 27 novembre 2008 12:09

 Appoline,

Excusez-moi d’être un peu long dans ma réponse.

L’humanisme, la générosité et la conscience des valeurs qui transparaissent de votre écriture sont aussi précieux. Ce que vous dites du griot est juste. Vous me faites penser à un ami japonais, Paul Eguchi qui a la même conviction que vous. Il est Professeur honoraire au musée ethnographique d’Osaka, et a déjà écrit plus d’une centaine d’ouvrages sur les traditions orales. Il a fini par se dire que la meilleure façon de valoriser l’oralité, c’est par l’oralité elle-même. Il est devenu « griot », le support de son écriture n’est plus exclusivement le papier mais aussi son corps. Sa vie en a été transformée. Depuis plus de quarante ans, il vit entre le Japon et le Cameroun parmi des Fulbé, et tout ce que son corps recueille de sagesse, il le transmet au Japonais à travers des conférences spectacles. Il a crée aussi avec des citoyens, un groupe de formation-spectacle qui s’appelle en japonais, « Chikyu Ohanashi mura »[1] (village planétaire de la parole) 

Le griot est un personnage généreux et qui a le sens du pardon. 
J’ai beaucoup d’inquiétude car je sais que de nombreux Africains ont perdu le sens de la générosité et du pardon. Surtout, la gente alphabétisée qu’on appelle les intellectuels (j’en fais partie mais je me soigne), peut être dangereuse, aussi bien pour les Africains, que pour les Occidentaux.

Vous savez que l’un des effets de l’alphabet sur l’individu est la rupture du cordon ombilical d’avec la tribu, et sur laquelle il exerce un petit pouvoir que lui confère l’alphabet. L’alphabétisé, froid et sans cœur peut se comporter vis-à-vis de sa communauté comme un colon sans grandeur. Face aux Occidentaux, il joue le rôle de « l’Africain spolié » qui attend secrètement son heure de vengeance. Ce double langage imbibé d’ingratitude et de trahison est difficile à gérer.

Par ailleurs nous avons de nombreux signes qui confirment l’idée que le XXIe siècle est favorable à l’Afrique. Il vaut mieux prévoir les dégâts que de se laisser surprendre, car c’est très souvent des innocents qui paient.

J’aime bien ce poème de N. X. Ebony :

«  (la voix calme et forte)

qui suis-je

qui je suis

je suis noir je suis blanc je suis jaune

transparent

je suis

celui qui est né au carrefour des siècles

celui qui a reçu l’histoire en plein cœur

celui qui se désaltère à la source mosaïque

qui gémit des secousses de la planète

qui s’est fiancé au méridien de greenwich

je suis

le prince d’une vestale

violée à coups de baïonnette

le funambule en équilibre sur le mince fil des identités

sous vos soleils tyrans

entre le baobab et le gratte ciel

je suis mille »[2]


[2] Ebony N. X. . 1983. Déjà vu. Paris : Ouskokata. (Texte reproduit avec l’aimable autorisation des ayants droit) 


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