Obama, l’Afrique et le Monde
Après l’élection d’Obama président des Etats-Unis d’Amérique, s’est abattue, sur Abidjan, une pluie persistante accompagnée de grondements de tonnerre si forts, si répétitifs et si proches de la terre que je n’ai pu m’empêcher de penser : Est-ce un message des dieux, un signe que Dieu nous envoie pour attirer notre attention sur quelque chose d’important qui nous échappe, mais quoi ?

Ce ne peut être l’élection d’Obama que le monde déjà célèbre, en Afrique encore plus qu’ailleurs. Que ce soit dans les rues ou les titres de journaux le mot incroyable ne cesse de revenir. Nous savons que Dieu ne se mêle pas aux petites manifestations de joie et de peines des humains… et puis, ce qui aux humains paraît incroyable, n’est , du point de vue de la distance divine, qu’un simple signe de la normalité. En effet avec l’avènement de l’ordinateur et des satellites qui ont transformé le monde en « village planétaire » quoi de plus normal qu’un fils de « berger » de la tribu Luo devienne président des USA ?
Alors sur quoi donc les dieux voulaient-ils attirer notre attention ? Qu’est-ce qui ne va pas ?
Ces grondements de tonnerre ne sont-ils pas un reproche aux humains, de trop vite se réjouir sans avoir compris le sens profond du signe ? Notre naïveté de prendre le premier venu pour le messie. Tous les peuples du monde aspirent au changement. Obama n’est pas un messie et n’apportera pas ce changement profond dont les peuples ont besoin. Obama est un symbole de la réussite individuelle. Bravo pour le symbole et à nous les rêves. Il est aussi le symbole de toutes les minorités victimes d’exclusion. Confondre le symbole et la réalité, c’est prendre les vessies pour des lanternes.
Je suis un noir, mais je ne me mettrai pas en fête pour l’élection d’un président fût-il Obama. Je crois m’être guéri de cette fausse fierté africaine qui n’apporte pas grand chose au monde. Tous les êtres se valent et méritent tous une haute considération. Aucun n’est supérieur à l’autre, quelle que soit sa couleur (bleue, jaune, blanche ou noire), quel que soit le matériau dont il est fait (pierre, métal, liquide ou chair).
Il ne s’agit nullement de banaliser Obama, un homme d’une si haute valeur dont nous n’atteignons même pas la cheville ; mais de réfléchir et d’être conscient du type de changement que nous souhaitons du monde.
Avec ces élections, nous sommes de plain-pied dans le spectacle du politique.
Si la religion est l’opium du peuple (Marx), nous pourrions dire que la politique est un folklore pour divertir le peuple, pendant qu’on l’exploite de toutes les manières.
Ne nous faisons pas d’illusions. Obama élu président ne sera plus Obama, il sera le Président des Etats-Unis d’Amérique. Selon McLuhan, ce prophète de la communication, le contenant est plus puissant que le contenu. Ce pouvoir que le contenant détient sur le contenu est un effet dont il faut tenir compte sous peine de se fourvoyer.
L’Afrique est un continent très instructif à bien des égards, qui nous révèle la véritable nature de certaines notions occidentales. Nous avons bien vu, en Afrique, que les présidents ne sont rien d’autre que la caricature de la dictature coloniale. À tel point que les populations de certains pays en viennent à préférer la situation antérieure. L’Indépendance des pays africains ? Une simple perpétuation de l’état colonial si ce n’est son renforcement. Tout comme aux Etats-Unis d’ailleurs, où l’Indépendance repose sur le génocide des autochtones (Indiens) auxquels les colons n’ont jamais rendu l’indépendance qui leur avait été prise.
Les WASP (blancs anglo-saxons protestants) aux Etats-Unis, ont confisqué le pouvoir pendant des siècles comme étant leur propriété exclusive. Ils sentent que leur temps est terminé et Obama est pour eux une chance de pouvoir maintenir un système anachronique qui aurait besoin de réformes profondes. Pour les populations noires et toutes les minorités exclues, l’élection d’Obama risque d’être cet arbre qui cache la forêt, une façon de désamorcer la véritable restitution du pouvoir aux peuples.
- Pourquoi, me diriez-vous, le pouvoir des WASP serait-il, miraculeusement, terminé ?
- Et pourquoi faudrait-il nécessairement « restituer » le pouvoir aux peuples, ne l’ont-ils pas déjà dans un système démocratique ?
Nous risquons de ne pas trop nous comprendre surtout en ce moment où les esprits excités mettent Obama à toutes les sauces : Un noir à l’Elysée ? Un Pape noir ? Pourquoi pas un noir Premier ministre ou Empereur du Japon ? Un délire de confusion qui fait écrire : « L’élection d’Obama à la tête des Etats-Unis sonne comme l’aboutissement d’une longue marche vers la démocratie. »[1] Pour éviter de fausses polémiques des clarifications sont nécessaires.
Dans le village planétaire, l’on ne jure plus que par la communication. Tout est régi par la communication et rien ne peut être résolu sans elle. C’est encore la communication qui nous induit dans ce « délire de confusion » dont nous parlons (écrivons). Cela fait partie de l’essence même de la communication que de créer des relations et des confusions entre des éléments de natures différentes. C’est un cercle vicieux, comment s’en sortir ?
Pour ne pas tomber dans le piège permanent, nous devons être, continuellement, conscients du fonctionnement de la communication et des effets du médium.
Toute situation de communication met en branle des relations entre des médiums.
Qu’est-ce qu’un médium ?
Toute existence ou toute force matérielle, virtuelle ou imaginaire est un médium : l’Air, le grain de Sable, le Roi, le Pentagone, l’Union Européenne, le Papier, l’Alphabet, la Constitution, la Présidence, la Voiture, Barack Obama, le Livre, la Lumière, l’Electricité, … tout est médium.
Tout médium détient des pouvoirs et produit des effets. Le médium, terme d’origine latine, signifiant : centre, milieu, est créateur d’environnement. La méthode de classification des environnements (médiums ) est des plus simples. C’est celle qui prévaut en matière de communication, par emboîtement des uns dans les autres, telles des poupées russes ou des boîtes gigognes (M. McLuhan [2]).
Face à un problème, tous les médiums ne sont pas impliqués en même temps, le niveau d’intervention dépend de la nature du problème à résoudre. Le succès et l’insuccès de l’action ou du projet sont liés à l’utilisation ou la non-utilisation du courant principal de l’environnement concerné. Comment déterminer ce courant principal ?
Communication : Le Visible et l’Invisible
Les humains qui ont la chance de connaître le XXIe siècle vivent dans un univers extrêmement riche du point de vue de la communication. Un monde « triséqué [3] » selon le terme du couple futurologue Toffler, c’est-à-dire un monde global habité par trois grandes civilisations en mouvement : « la première vague », la civilisation agraire, « la deuxième vague », la civilisation industrielle et « la troisième vague [4] », la civilisation de l’ordinateur.
Le médium principal de la civilisation agraire est l’Oralité (ondes et vibrations sonores).
La civilisation industrielle a pour moteur l’Alphabet phonétique (visuel).
La civilisation de l’ordinateur fonctionne avec les Ondes Electriques assimilables aux vibrations sonores.
De ces trois grandes civilisations, deux fonctionnent sur des ondes (vibrations orales et électriques) : la civilisation agraire et la civilisation de l’ordinateur. Le village traditionnel et le village planétaire ont en commun le même esprit magique.
Seule la civilisation industrielle, isolée et prise en étau entre les deux, fonctionne sur un médium visuel : l’alphabet phonétique qui exclut les vibrations sonores. Il est clair que le courant principal qui se dégage désormais de ce monde est un courant oral favorable à l’homme et aux peuples dont la vie est liée aux vibrations orales.
C’est à cause de ce courant principal que nous pouvons écrire que le pouvoir (exclusif) des WASP(blancs anglo-saxons protestants) est terminé. En revanche ceux qui auraient le projet d’exclure les WASP du pouvoir n’y parviendront pas car le courant actuel est favorable à l’intégration. Cette idée du courant principal est très importante à comprendre. C’est la compréhension des effets du courant principal qui fait que les victimes pourront accepter l’idée que les « bourreaux » n’étaient pas responsables mais eux-mêmes victimes de la manipulation du courant principal. Il serait injuste d’accuser l’autre de profiter de ce courant principal car à sa place nous aurions fait ce qu’il a fait : profiter du courant principal, ce qui est tout à fait normal.
Tous les maux dont l’humanité a souffert pendant près de quatre siècles de civilisation industrielle : colonisation industrielle, esclavage massif, discriminations, exclusions, génocides et exterminations des communautés sont des effets insoupçonnés de l’écriture et non le fait des hommes.
Les USA sont aujourd’hui le pays le plus exposé aux agressions injustes, ils sont accusés de crimes dont ils ne sont pas les véritables auteurs.
Les Etats-Unis, depuis la Constitution de1787, et pratiquement tous les états du monde moderne, fonctionnent sur un « tapis volant » : Papier-Ecriture. Cela a bien fonctionné pendant longtemps. Actuellement dans un environnement oral ce « tapis volant » devient anachronique et fonctionne à contre-courant. Nous voyons bien, avec la crise financière internationale que ce « tapis volant » est atteint en plein cœur : dans le crédit. C’est toute notre conception de l’économie et des finances, héritée de la période du Livre, qui est remise en cause.
Les Etats-Unis n’ont aucun ennemi sérieux au monde, nous sommes tous des alliés. Simplement, il faudrait arrêter d’imposer au monde une politique anachronique. A commencer par réécrire la Constitution dans un esprit nouveau et sur un support multimédia sensible aux expressions de tous les peuples.
« La constitution des États-Unis est le plus important des produits d’exportation américains[5]. »
Yrom
Conseiller en Veille Technologique et Culturelle
Abidjan Cote d’Ivoire Afrique
[1] Tra Bi Charles, « Leçon de démocratie » Soir Info (quotidien ivoirien) no 4256 du samedi 08 Novembre 2008, p. 4.
[2] McLuhan, Marshall. 1968. Pour comprendre les média. Paris : Mama/Seuil.
[3] Toffler, Alvin & Heidi. 1993. War and Anti-War. New York : Little, Brown and Company. Trad. française, 1994. Guerre et Contre-Guerre. Paris : Fayard.
[4] Toffler, Alvin. 1980. The Third Wave, London : William Collins & Co. Ltd.
[5]Albert Blaustein http://usinfo.state.gov/journals/itdhr/0304/ijdf/blausteinf.htm
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