Bon, tout ça on le sait, on le voit, on le constate, on le vérifie... m’enfin tout bien pesé, le sarkozysme m’évoque davantage un étalage de connerie lourde que l’Allemagne de 1933. Toute la politique sarkozyste est centrée autour des thèmes de prédilection du beaufisme. La haine des étrangers, des jeunes, des gosses, des pauvres, des étudiants, de la culture, l’exaltation du patriotisme, des vertus du sport, du travail, du fric, des flics, de l’ordre et du tape-à-l’oeil, la mise en avant de taches telles que Laporte, Hortefeux, Morano (au passage je me demande ce qu’a pu faire Devedjian pour être tenu hors du coup !), les amitiés vachement connotées (Reno, Barbelivien, Clavier, Doc Gyneco), l’apparition de la Bruni, archétype de la nana bobo, comme pour faire contrepoids... et tout ça pour quoi ? Pour masquer quoi ? L’échec retentissant d’une politique lamentable, faite par des guignols élus par des gogos, au service d’une poignée de mafieux. Tout cela, et ce qui ne va pas manquer de suivre, n’est pas dépourvu de sens en ce que quelque part, nous en sommes tous partie prenante. En effet, ce gouvernement de minables, cette ligne politique grotesque, ce panpan-cucul de chaque jour, c’est nous qui nous le sommes infligé. Oh, pas en 2007, non. Avant. Parce que Sarkozy et ses sbires représentent la phase terminale d’un processus de décomposition de notre société entamé il y a déjà un sacré bout de temps. Je situerais cette époque sous le second septennat Mitterrand. Le septennat de trop. Celui de toutes les dérives, celui de toutes les outrances dont nous essuyons aujourd’hui les plâtres. Sous ce septennat, la loi, disait-on à l’étranger, s’écrivait chez nous dans la rue. Les syndicats, qui n’étaient pas encore vendus, pouvaient du jour au lendemain mobiliser des masses de gens et faire plier les patrons. On nous qualifiait encore de gaulois. Rien n’était moins vrai. Nous étions déjà ce ramassis de lâches qui se détestent cordialement les uns les autres pour éviter de s’avouer leur impuissance. Rappelez-vous ce septennat maudit. Les affaires qui se sont succédées. Le sang contaminé. Urba. Le faux assassinat de Bérégovoy. Les magouilles de Tapie. La Société Générale. L’insolence de tous ces ministres vérolés et députaillons bouffés aux vers dont certains sont encore en circulation. Et notre passivité d’alors. Notre incapacité à virer cette racaille d’un massif et solidaire coup de pied au cul. Notre je-m’en-foutisme, en fait. C’est là que ça a commencé. Nous n’aurions jamais dû laisser cette pègre s’en tirer avec les honneurs, nous mener en bateau des mois durant avec leurs pantalonnades judiciaires, leurs avocaillons-vedettes, leurs juges complices, les verdicts de complaisance que nous avons écoutés s’énoncer en haussant les épaules. Ce fatalisme-là, qui était de la veulerie, nous le payons aujourd’hui, et pas au prix d’ami. Il fallait faire quoi ? Descendre dans la rue en masse et réclamer leurs têtes. Nous étions cocus, trompés, entubés, trahis mais nous continuions à nous faire croire que Mitterrand était autre chose que ce qu’il fut toute sa vie, nous continuions à nous la raconter sur les Lang, les Fabius, les Jospin, les Strauss-Kahn, les Tapie, sa garde rapprochée, au lieu de nous remuer le fion pour exiger d’une même voix que ces gens nous rendent les comptes qu’ils nous devaient. Au lieu de ça on a élu Chirac, dont on savait pertinemment quelle fripouille il était. Puis on s’est apitoyés quand la Momie a calanché. Bien sûr chacun de nous disait à l’autre que cette classe politique était pourrie à l’os. Nous étions en train de creuser le lit du sarkozysme. Ceux-là étaient alors des puceaux aux dents longues, pas encore bien aguerris mais leur regard était affuté. Les failles de l’adversaire, c’est à dire nous tous, il ne fallait pas s’être levé à l’aube pour les distinguer. Notre fatalisme pouvait passer pour de la docilité. Il trahissait surtout notre impuissance collective. Du nanan pour les tyrans, un peuple pareil. Fallait le voir en juillet 98 la bouille repeinte en tricolore. Tous dans la rue pour porter en triomphe un groupuscule de milliardaires du ballon rond. Mais ça n’avait même pas été fichu de remuer une phalange pour virer la voyoucratie mitterrandienne qui les avait mis jusqu’au trognon. Sarko n’a même pas eu besoin d’apprendre à parler sans faire de fautes. Ni à avoir de la classe. Encore moins à prendre des gants. Il va serrer encore la vis et on dira amen. Il va s’occuper de nos gosses et on dira amen. Il rouvrira le bagne et on dira amen. Il remettra en cause l’abolition de la peine de mort et on dira amen. Il créera des goulags et on dira amen. En mars 2012, il nous promettra d’envoyer les étrangers dans la lune, on dira Alleluia, et il sera réélu. Et moi je serai passé à l’ouest.