- Alors les races, ça existe ou pas ?
- Ce n’est pas qu’elles n’existent pas, c’est que depuis le nazisme le mot « race » est devenu délicat à employer. On préfère parler d’« ethnie ». Tu as étudié le nazisme…
- Oui, oui, me réponds-tu d’un air dégagé plutôt indifférent qui me fait un peu froncer les sourcils :
- Bon, alors tu dois pouvoir comprendre pourquoi le mot « race » est devenu suspect.
Tu réfléchis, tu te tords une mèche de cheveux et tu réponds :
- Oui… à cause des juifs que les Allemands ont voulu exterminer ?
- Exactement.
- Mais c’est si loin, maintenant, tout ça...
- Pour toi peut-être. Pour les gens de mon âge ça ne paraît pas si loin. Il y a encore des survivants des camps de la mort.
- Ah, oui ? Je ne savais pas.
C’est à mon tour de lever les yeux au ciel.
- Tu te souviens, en tous cas, que les nazis voulaient exterminer les juifs parce qu’ils appartenaient à la race sémite qui aux yeux des Allemands de l’époque était considérée comme une race inférieure et nuisible. Les Allemands, eux, appartenant à la race germanique, se considéraient supérieurs à tous les autres peuples ; moyennant quoi ils ont décidé, comme de leur devoir, de purger de ses juifs l’humanité, soi-disant pour son bien, et tu sais qu’ils ont failli réussir puisqu’ils en ont massacré six millions sur douze dans les camps d’extermination. Heureusement qu’ils ont fini par être vaincus. Alors après cette horreur commise contre les juifs, le mot race est devenu entaché de suspicion. Pour autant, affirmer que les races n’existent pas c’est aller un peu vite en besogne.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il est difficile de nier, en effet, que visiblement elles existent au sens où il est impossible de ne pas voir, par exemple, que les populations venues d’Asie ont plutôt les yeux bridés et les cheveux noirs et raides, alors que les populations venues d’Afrique sub-saharienne ont plutôt la peau noire et les cheveux crépus. Vue au microscope, La matière solide non plus n’existe pas, elle est faite d’atomes séparés par l’équivalent d’un vide intersidéral. D’ailleurs, la chair, non plus, n’existe pas puisque c’est de l’eau à 95 pour cents. Et pourtant imagine que l’on vive selon cette vision scientifique des choses : que l’on fasse fi des obstacles sous prétexte que la matière n’est que du vide, je ne te dis pas les bleus et les bosses. Strictement parlant, un tabouret n’est jamais qu’une table plus petite et plus basse que l’objet appelé table. Si l’on suit le raisonnement des négateurs de races, il faudrait donc dire qu’il n’y a ni table ni tabouret mais seulement des objets plats sur quatre pieds. Sauf que personne ne peut manger assis sur une table avec le repas sur un tabouret.
Tu ris :
- Sûr que ça doit pas être commode.
- Je ne te le fais pas dire. Selon le microscope, il existe plus de différences entre deux hommes ou entre deux femmes qu’entre l’homme et la femme, faut-il en conclure que l’homme et la femme n’existent pas ? De même, toujours selon le microscope, il n’existe ni races pures, ni races différentes, mais nous ne vivons pas avec un microscope dans le sac. Les langues pures non plus n’existent pas, et pourtant le Français n’est pas l’Anglais qui n’est pas l’Allemand ni L’italien. La frontière entre le jaune et l’orange est difficile à discerner, faut-il en conclure que le jaune et l’orange n’existent pas ?
- Le rouge non plus, alors…
- Tu vois bien. De fil en aiguille, dans cette logique, il n’y aurait plus de distinction possible. Or penser c’est établir des distinctions et des classifications sans lesquelles il n’y aurait que chaos. D’ailleurs si les races n’existent pas, pourquoi nous rebattre les oreilles avec le « métissage ». A propos, quelle définition tu donnerais au « métissage » ?
- Ben… je dirais que c’est un mélange de… de races ?
- Exact. Tu vois bien que les races existent. En fait, il y a plusieurs niveaux de lecture, d’approche du réel : celui donné directement par tes sens et avec lequel tu dois vivre et composer constamment et celui donné par la science. Ce qui est faux, par contre, c’est d’affirmer que les races sont inégales, que certaines sont supérieures à d’autres. C’est la seule définition du racisme. Hormis cette affirmation, toute accusation de racisme devient suspecte d’instrumentalisation et de règlement de comptes. Les races existent, donc, plus ou moins, elles sont différentes, certes, mais en aucune façon inégales. Tous les êtres humains sont de la même espèce, ce sont tous des sapiens-sapiens.