• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Alexis

sur Quand l'Occident établit un Etat mafieux


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Alexis 9 décembre 2008 05:16

Voilà un « article » qui commence fort, avec une belle accroche digne des plus beaux polars. C’est presque un blockbuster hollywoodien qu’on nous présente, avec d’entrée, grosse voix off dopé à la testostérone en arrière fond pour être tout de suite dans l’ambiance.

 

Un Etat qu’on peut légitimement qualifier de "voyou" (ça, c’est la trame de fond du film qu’on va nous vendre)

dont les représentants (ça, c’est les stars du film… leurs noms viendront plus tard : Thaci, Haradinaj, Ceku…)

avalisés par l’Europe et l’OTAN (tiens, ça rime en plus, la classe totale pour une bande annonce)

 font du fric grâce à différents trafics, comme la drogue, les femmes ou les armes.

 

Si avec un décor planté comme ça vous n’avez toujours pas envie de voir le film, c’est à ne rien y comprendre.

Parce que les Kosovars tiennent le haut du pavé, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres. (ça, c’est la phrase qu’on comprend moins. Non seulement elle est on ne peut plus approximative, mais elle ne veut rien dire… au regard de ce qui précède. Mais c’est ce qui fait tout le charme d’une bande annonce de blockbuster US)

Et pourtant, une fois la place de cinéma payée, tout comme pour la grande majorité des films à gros budget, en cinéphile averti on ne peut qu’être déçu par un contenu creux, un scénario improbable, un jeu d’acteurs pathétique et des dialogues tout simplement à chier.

 

L’auteur qui a entrepris la lourde tâche de vouloir analyser une situation géopolitique et historique extrêmement complexe pour nous livrer un regard nouveau (si, si la bande annonce dit que c’est inédit) et sans concessions, se vautre mollement dans l’à peu près et surtout dans le rabâchage de thèses soutenues depuis belle lurette par des milieux bien identifiés.

 

Décortiquons donc pas à pas ce navet. Au départ, je souhaitais le faire de manière cohérente, c’est-à-dire en restructurant totalement le propos de l’auteur. Finalement, la tâche est bien trop pénible. Et si l’auteur n’a pas jugé utile de structurer son propre laïus, je ne vois pas l’utilité de le faire à sa place (vous savez, l’histoire avec la confiture et les cochons).

Je vais donc me contenter de citer l’auteur et de commenter au grès de mon humeur. Tout comme il semble l’avoir fait pour traiter d’un sujet aussi sérieux.

 

« C’est étrange comme on entend souvent parler des kosovars dans les trafics en tout genre, alors qu’il ne reste que 2 millions et quelque d’habitants (dont seulement 120 00 serbes) dans ce minuscule pays. Et en général, ceux qui se livrent à ces activités sont de véritables brutes. Alors, que se passe t’il au Kosovo ? »

Je dois avouer que ça, c’est quelque chose. Quoi ? Je ne sais pas. C’est étrange comme on entend souvent parler du lichtenstein lorsqu’on évoque les paradis fiscaux. Et pourtant, il ne reste que 36000 habitants dans ce miniscule pays, dont 10 000 banquiers et 26000 conseillers en gestion patrimoniale. Et en général, ceux qui se livrent à ces activités sont des véritables cracs de la finance internationale.

Ah, ça y est, je viens de trouver comment ça s’appelle. Un cliché ! Les clichés c’est très apprécié en photographie. Un peu moins en journalisme.

 
« D’ailleurs, les violences contre les serbes du Kosovo continuent allègrement, à tel point qu’en 2004 le commandant de l’OTAN pour le Sud-Est de l’Europe, l’amiral Gregory Johnson, parlait de «  nettoyage ethnique   », quand un ancien général de l’OTAN disait qu’on s’était trompés de côté pour les bombardements.  »

Oui, en effet, il y a eu des grosses violences en Mars 2004 contre la population serbe. Résultat des courses : 19 morts dont 11 albanais. Carramba ! Ca c’est du nettoyage ethnique.

Mais surtout, on est en 2008. Est il si difficile pour l’auteur d’aller nous chercher les statistiques des violences au Kosovo entre 2004 et 2008 (un petit tour par le site de l’UNMIK aurait suffi). Ah mais bien sur, les chiffres ne collent pas avec le message qu’on veut faire passer. Soit. Ne parlons pas des chiffres.

« Récemment, Carla del Ponte, procureure du tribunal pénal international de La Haye (TPIY), a publié un livre dans lequel elle parle d’un trafic d’organes prélevés sur des prisonniers serbes, mis en place par les albanais du Kosovo pendant la guerre. Les autorités suisses ont finalement imposé à l’ancienne magistrate de ne plus parler de son bouquin, puisque les kosovars sont des victimes et pas des bourreaux. Omerta, donc. »

En effet, Carla del Ponte a parlé de cela. Du temps où elle était procureur du TPIY elle a reçue des informations sur ce genre de pratiques. Elle a enquêté. Elle n’a rien trouvé. Mais elle s’est dit que ça faisait bien d’en parler dans son livre. On s’est remis à enquêter. On n’a toujours rien trouvé. Mais elle a parlé. Magnifique ! Sinon, Paco Rabbane avait parlé de la station Mir en 1999. Il en avait parlé.

Mais comme le sujet est bien trop sérieux, et que me mettre au niveau de l’auteur me devient de plus en plus difficile, faisons un peu le travail dont il s’est abstenu. Suite au livre de Carla del Ponte, la porte parole du TPIY qui a travaillé de longues années à ses côtés s’est également exprimée par le biais d’une tribune dans Le Temps. Voici quelques extraits pour ceux qui n’auront pas envie de cliquer sur le lien :

« Carla Del Ponte n’avait pas la moindre preuve pour étayer un éventuel trafic d’organes prélevés sur des prisonniers aux mains des rebelles kosovars, affirme son ex-porte-parole. En parler dans son livre est "irresponsable" et "indigne", dénonce-t-elle. […]
"S’il est du devoir d’un procureur de n’écarter aucune piste, est-il judicieux de révéler celles qui furent abandonnées du fait de l’absence de toute forme de preuve ?", s’interroge l’ancienne porte-parole.
 »

Voici quelques liens parmi d’autres. Une simple recherche sur google permettra aux plus curieux de se faire un avis :

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/trafic-d-organes-la-controverse-carla-del-ponte_472137.html

http://www.letemps.ch/template/recherche.asp?page=rechercher&contenupage=identification&types=search&artID=229958

http://www.swissinfo.org/fre/infos/nouvelles_agence/Carla_Del_Ponte_critiqu ee_par_son_ancienne_porte_parole.html?siteSect=146&sid=8978406&cKey=1208335866000&ty=ti&positionT=1

Alors à mon tour de me poser quelques questions sur les intentions de l’auteur. Etait il si difficile d’évoquer la réaction de Florence Hartman (qui soit dit en passant n’est vraiment pas passée inaperçue) ? Où peut être que les propos de celle-ci ne sont pas autant dignes de foi que ceux de Madame Del Ponte ? Ou peut être que tout simplement, sous couvert d’enquête journalistique fantastique et à rebondissement, l’auteur ne cherche finalement qu’à présenter des demi-faits pour mieux nous les vendre comme LA vérité qu’on nous cache ? Procédé ni nouveau, ni surprenant, mais avant tout procédé d’un propagandiste bas de gamme. Ca tombe bien, juste après l’auteur a décidé de parler de la propagande.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès