"Internet instrument de communication révolutionnaire et fabuleux". Il peut avantageusement remplacer la bouteille à la mer, mais en plus rapide et avec réponse sinon payée, du moins assurée. Vrai progrès, c’est certain. Mais, convenez-en, avec les limites mêmes que vous avez vécues. Que faire pour rendre les messageries porteuses de messages courtois, élégants, respectueux de la sensibilité et de l’intellect de l’autre ? Je n’en sais rien. Je doute que des amitiés solides se nouent sur internet seul. Il leur faut une rencontre. "Parce que c’était lui, parce que c’était moi" serait difficile à établir sur les réseaux seulement.
Non, je reste sur ma position, rien ne remplacera le contact, la voix, le jeu de ce langage des corps, des regards, des odeurs, des bruits, du décor même dans lequel on se voit, et dont le souvenir se mélange à tout le reste des émotions, conscientes ou non.
Vous citez le contenu des échanges et le contexte dans lequel ces échanges ont lieu. Mais ces contextes dépendent du rôle que l’émetteur des messages veut jouer. Du rôle comme acteur, qu’il se donne, de la fantaisie et de la tromperie éventuelle qu’il manie, à l’instant auquel sa parole électronique s’envole vers une destination quasi inconnue, et nue, le plus souvent. Et puis, rien n’engage le locuteur, qui disparaît, et n’ayant jamais eu de substance que des lettres sur un écran et l’imaginaire très appauvri (par manque d’autres signaux) du récepteur.
Si la philosophie dans les écoles enseignait la beauté des choses, le penser autement et les relations respectueuses, tant mieux. Mais elle aura fort à faire face au consumérisme, la satisfaction instantanée de nos désirs (instant gratification), les frustrations d’une société qui ne rêve que de croissance matérielle, de narcissisme et de voyeurisme électronique... Même pas de la chose elle-même.
Pour ma part je ne me contente pas du monde virtuel. Tiens, je vais aller donner à manger aux oiseaux, ça me changera. Je pourrais évoquer cette image de St. François d’Assise nourrissant les oiseaux, par Giotto. Sentiments difficiles à décortiquer sur le net. Et qui n’intéressent personne.