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Commentaire de Oudeis

sur Islamisme et laïcité... financièrement compatibles ?


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Oudeis 24 décembre 2008 00:49

@San Kukai

"Mais à la lecture de ce texte, je ne trouve rien qui appellerait la modification du corpus législatif pour l’adapter aux notions de sukuk et de murabaha."

Je me propose d’expliciter en quoi "l’Initiative en faveur du développement de la finance islamique en France" ( http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/dgtpe/secteur_financier/haut_ comite_place/dev_fin_islam.htm ) correspond bien - au contraire - à une modification de l’application du droit français pour favoriser spécifiquement la finance islamique. Je vais me pencher en particulier sur la murabaha.

Tout d’abord un petit rappel :

Le droit français reconnaît le prêt avec intérêt, la rémunération de créances ou d’obligations et y applique une certaine fiscalité (cf. entre autre les articles 118-119, 119 bis, 124-125 et 187 du Code Général des Impôts).
Le droit français reconnaît également la vente de biens mobiliers ou immobiliers avec plus-values et y applique également une fiscalité propre (cf. articles 150 et suivants du CGI). En particulier, il est prévu un abattement dépendant de la durée de détention du bien vendu. Cette disposition vise à dissuader les achats/ventes à court terme (qui pourrait être considérée comme transactions spéculatives). De plus, en ce qui concerne les ventes de bien immobiliers, elles sont soumises à des droits de mutation.

Or la finance islamique affirme ne pas pratiquer de prêt avec intérêt - y substituant des transactions d’achats/ventes à court terme avec plus-values. En toute logique - et en droit commun - les transactions des banques islamiques devraient donc relever de la fiscalité des plus-values des cessions à titre onéreux de biens mobiliers ou immobiliers. C’est d’ailleurs ce qu’admettent les fiches 1b et 1c de "l’Initiative en faveur du développement de la finance islamique en France" ("Le contrat entre le financier et le client est juridiquement un contrat de vente. Dès lors, en principe, le gain réalisé sur cette vente est acquis au financier dès la signature du contrat et la totalité du produit de la vente est immédiatement imposable, y compris la marge du financier, autrement dit son profit.").
Toutefois, afin d’étaler et de réduire l’impôt sur ces plus-values, ces mêmes fiches indiquent que le profit de l’établissement financier pourrait être considéré comme ... des intérêts déductibles de la plus-value ! Alors même que le principe de l’opération est la négation de ces intérêts. Ceci dans l’unique but de déduire de la plus-value ces "intérêts" pour réduire voire annuler l’impôt sur les plus-values. Bref, la banque fait un achat/vente avec bénéfice et sans intérêt, mais on ne devrait pas compter ce bénéfice pour l’impôt parce que ce serait des intérêts !!
De plus, toujours dans le but de minimiser les prélèvements liés aux opérations financières islamiques, la Direction Générale du Trésor décide d’assimiler ces banques à ... des marchands de biens ("les mutations immobilières au profit d’un financier islamique relèvent, en matière de droits de mutation et de TVA, du régime des marchands de biens permettant d’appliquer une taxation réduite. Par ailleurs, la rémunération du différé de paiement est qualifiée fiscalement d’intérêt afin d’exclure cette somme de la base d’imposition à la TVA et aux droits de mutation" repris en fiche 1e) !

Ce texte constitue donc bien une modification d’application du droit (pour ne pas dire une transformation législative de vessies en lanternes) dans le but de réduire la fiscalité sur ce type d’opération.

Mais s’agit-il de modifications spécifiques à une religion particulière ? La réponse est encore positive. En effet, ces transformations plus-values/intérêts et banques/agences immobilières ne s’appliquent qu’aux financiers islamiques. Ainsi la fiche 1a définissant le type d’opération concerné indique qu’il s’agit d’un "contrat de vente aux termes duquel un vendeur vend un actif à un financier islamique (...) qui les revend à un investisseur". La définition même du mécanisme concerné stipule la spécifité islamique des acteurs. On ne peut donc pas prétendre qu’il s’agisse de considérations générales sur un type d’opération applicable à tous les citoyens et indépendant de la religion.

Enfin, c’est bien le corpus législatif qui est visé comme indiqué en introduction : "Ce sont ces fiches qui seront insérées dans le corpus des rescrits fiscaux".

J’espère donc avoir éclairé la lecture de ce texte en montrant qu’il s’agit bien d’une modification du corpus législatif pour favoriser spécifiquement les opérations islamiques.



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