Les ingénieurs ont certes encore un "lien avec la matière" (qui ne ment pas, mais la terre est basse ...) , pour certains d’entre eux,
mais ils sont immergés dans la civilisation et eux aussi au milieu du gué, avec des spoliations de leurs savoirs et savoir-faire iniitiaux qui sont souvent caducs au bout de 20 ans, quand ils pourraient avoir une vision globale et un sens des responsabilités maximalement affutés.
La déresponsabilisation est causée par leur travail, mais indirectement. Qu’on ne me dise pas que les architectes des grandes barres et de 97% de l’urbanisme contemporain ont (avaient) une vision sympa --- ou seulement humaine --- de l’espace public, de l’agora.
La place de Sienne, c’est autre chose, ou encore les choix faits à Florence par un Brunelleschi, ou encore dans les cathédrales, pour la mise en scène des humains pour d’autres humains, ce qui, modulo une civilisation pas pire qu’une autre en son temps, témoigne d’une forme de respect aujourd’hui manquante.
Aujourd’hui , sur terre : La vacuité s’insère dans un appareil à peine complexe dont l’ingénieur pourrait se douter, si on lui met le doigt sur le problème, qu’on empêche le possesseur d’en avoir une vision saine et complète, alors qu’il peut encore être boosté, cet ingénieur pour offrir cela, si ce n’était les impératifs économiques mis au primat de tout. Bill Gates est évidemment l’épigone de ce genre d’attitude, son OS "Windows" restant un chef d’oeuvre de meringue au macaron avec un peu de sardine et des pleurottes s’il vous plait (pour Office, c’est pas bcp mieux)..., mais même le patron de Philips a en son temps hurlé contre la mise en chip des machines à laver qui n’était pas bien vécue par les acheteurs, et restait trop superficielle par rapport à notre côté encore humain.
Sans tomber dans les diatribes de PMO ou encore dans celles plus littéraires (et antérieures ? ) de Baudoin de Baudinat (bouquin recommandé dans le dernier Canard de 2008), les ingénieurs ont accepté une compartimentation qu’avaient refusé leurs plus illustres ainés, un Piero della Francesca, un Leonardo da Vinci, ou même Einstein, qui s’intéressa à des brevets sur les frigo avec Szilard.
C’est cette possiblité du capital à nous compartimenter jusqu’à rendre nos désirs asservis à des boucles empoisonnantes (la pub à la télé, partir en week-end avec bouchons, désirer des vêtements si banalement unis,...) qui est l’aspect systémique qui se passe juste au-dessus de la tête de l’ingénieur.
L’ingénieur n’est pas encore, ou toujours pas, l’ingénieur social, le TeX-chamane, l’homme des technologies de l’esprit (le nootechnologue, argh, je vais me prendre un coup d’intericonicité sur ce forum ! ) que Bernard Stiegler appellerait grosso modo de ses voeux, allez lire vous-même , c’est un sujet exigeant, et je m’y trompe sans doute en y allant trop loin.
Je laisse là le mystère, je ne feindrai pas d’en être davantage l’organisateur.