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Commentaire de Istina1984

sur Le chercheur Jean-Jacques Kupiec tire un trait sur le déterminisme génétique et les théories de l'auto-organisation


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Istina1984 13 janvier 2009 10:55
Bonjour,
 
 
Je ne sais pas si J-J Kupiec lit encore les commentaires de cet article, mais si tel est le cas j’aimerais lui poser une question.
 
Voilà, je suis en train de lire votre livre (je précise que je suis étudiant en philosophie, et donc incompétent en biologie : ma question sera ontologique) et il me semble que vous critiquez les théories de l’auto-organisation basées sur le concept de méta-stabilité, dans la mesure où elles ne feraient que ré-introduire une contrainte externe cachée.
 
Ma question était : avez vous connaissance des travaux désormais classiques de Gilbert Simondon sur l’individuation ? Si oui, les pensez vous pertinents ? Comment vous situez-vous face à ses conceptions ?
En quelques mots, si vous ne l’avez jamais lu, ou pour les autres lecteurs de ce blog : Simondon propose (enfin, cela fait déjà 40 ans) une nouvelle conceptualisation de l’individu, basée sur le schème de la métastabilité, qui prend le contre-pied, tant de l’hylémorphisme (individu= matière+ forme) que de l’atomisme (les vrais individus sont des particules élémentaires insécables) au profit d’une théorie de l’individuation qui conçoit celle-ci comme un processus dynamique résultant de la rencontre entre un système riche en potentialités et un germe structurant externe.
De votre point de vue, on pourrait dire qu’une telle théorie de l’organisation n’est pas une théorie de l’auto-organisation, mais qu’elle prend pour point central l’intervention d’un facteur externe (le germe structurant, par exemple la poussière qui, tombant dans un liquide en état de surfusion, produit le cristal). Mais en étant attentif aux analyses de Simondon, on voit qu’il place en fait la réelle organisation de l’individu dans la relation elle-même et non dans l’un des termes : la solution sursaturée apporte le possible, le possible étant donné, tandis que le germe structurant ne fait que permettre la « solution » de la problématique inhérente à cette solution sursaturée.

Je l’explique mal, mais bon, l’idée est là : l’individu est l’être de la relation. Pour Simondon, il faut absolutiser le concept de milieu, d’interface, en le plaçant à chaque moment de l’individuation (y compris dans celle d’un cristal, mais aussi dans celles des êtres vivants et des groupes sociaux). L’organisation n’est pas d’emblée donnée dans l’être sursaturé puisqu’il n’est qu’un réservoir de possibles, mais elle n’est pas non plus donnée seule dans le germe structurant (puisqu’il n’est que l’occasion de l’individuation, l’indice qui permet la résolution) : l’individu réside en fait dans la relation et dans le processus relationnel (ex : la transduction qui forme le cristal ; ce qui explique que pour Simondon l’individu cristal existe « réellement » durant sa formation, et non une fois formé. Car une fois formé, il n’a plus qu’un très faible degré d’individualité).

Il me semble que par ailleurs, même si Simondon désigne des « niveaux » d’individuation (physique, biologique, psycho-social), comme vous il ne pense pas une spécificité de la vie puisqu’elle consiste simplement pour lui en un régime différent d’individuation (et non dans une finalité immanente et mystérieuse).
 
Bref, Simondon se place dans le cadre du schème de la métastabilité, mais par d’autres aspects il me semble que certaines de vos analyses se rejoignent : pas de spécificité pour la vie, extension à l’infini du problème du « milieu » (par l’interface et la relation comme lieu réel de l’individu pour S.). Enfin, même si
Simondon ne s’attarde pas sur Darwin, il y a quelque chose de la sélection naturelle (au sens étendu) dans son idée d’une détermination des individus en fonction du degré d’efficacité (dans la résolution des problèmes propres à la solution sursaturée) de tel ou tel germe structurant spécifique : la vie est résolution de problèmes pour lui, mais toutes les solutions ne sont pas équivalentes ; certaines solutions « marchent » mieux que d’autres, permettent la conservation d’un plus grand degré d’information.
 
 
Bon, mon explication est sans doute bancale, et si vous n’avez pas lu Simondon tout cela doit vous sembler faible (j’ai oublié de lier à mon texte beaucoup de notions essentielles comme celles de néguentropie, de disparation).
Mais ma question demeure : avez vous lu Simondon ? Comment vous situez vous face à lui ? Je précise pour tout le monde que Simondon est un philosophe français de la deuxième moitié du 20ème siècle, qui passa inaperçu à l’époque (seul Deleuze reconnut l’originalité de ses travaux, et le plagia d’ailleurs largement dans certains livres), qui fait aujourd’hui l’objet d’un fort réinvestissement spéculatif dans les champs de l’épistémologie et de la pensée de la technique (c’est même l’un des auteurs les plus à la mode chez les jeunes philosophes français).
 
Voilà.
 
Au revoir, et dans l’attente de votre réponse.

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