• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Frédéric Degroote

sur La place des victimes sur la scène pénale


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Frédéric Degroote Frédéric Degroote 17 janvier 2009 12:19

Si vous voulez mais à vous entendre, la victimisation n’existe pas. Je vais vous répondre, et cela renforcera plus qu’autre chose la pertinence de mes propos.

L’individu contemporain a une tendance pathologique : pleurer sur son propre sort.
Il y a une nfluence croissante qui est l’avocat. Il s’introduit entre l’individu et son malaise. Dans ce domaine les USA montrent la voie, notamment par beaucoup d’exemples grotesques où la victimologie est très présente. (Un père tue sa fille – elle l’avait bien cherché / un chat dans un micro-onde – il n’était pas indiqué dans la notice que l’appareil n’est pas un séchoir).

L’industrie des droits prolifère. L’univers juridique se transforme en une foire où les avocats racolent leurs clients, le persuadent de son malheur.
On passe d’un système basée sur la désignation d’un responsable à une base sur l’indemnisation des victimes.
Chaque groupe recherche le bénéfice au mépris de l’intérêt collectif, grâce aux nouveaux droits.
Chaque minorité se pose en victime, ce qui génère de moins de en moins de citoyenneté.

Pour qu’une cause passe dans l’opinion générale, il faut apparaitre tyrannisé, imposer une vision misérabiliste de soi, afin de gagner les sympathies. Tout le monde se bat pour avoir la place la plus désirable qui est la victime. On voit dans la souffrance la promesse d’une élection.


Concernant les médias, parce qu’elles se succèdent, les actualités se concurrencent et ce qui nous bouleversait se dégrade en anecdotes. On banalise la représentation de l’épouvante. L’exhibition de l’effroi favorise une de nos pulsions : le voyeurisme. Il y a au bout de ces vues insoutenables de mutilations une apathie qui renaît. L’enfer devient à son tour monotone.

Tout ça nous lasse et apporte une certaine fatigue récurrente quant aux catastrophes de la planète. Ce n’est pas que rien ne transporte les cœurs, tout les transporte en un sens et n’importe quoi. Un évènement est directement chassé par un autre. Nous devenons tellement proches de toutes les tragédies du monde qu’il nous manque la distance pour les voir.C’est l’ère du génocide banalisé.

L’absurdité des médias est la suivante : à force de nous submerger sous toujours plus de faits, à tout heure, en continu, ils excèdent nos possibilités d’absorption. On ne peut soutenir une telle allure.
On s’intéresse à l’état du monde par politesse. Les médias sont donc les porteurs d’une morale héroïque et nous assomment d’une culpabilité aussi écrasante qu’abstraite : nous manquerons toujours à la solidarité qui nous lie à notre prochain. Notre époque est douce face aux misérables : on les élève sur un piédestal sans cesse, on rappelle le scandale de leur détresse. Dès lors, tout ce qui est souffrance demande à ce qu’on la combatte. Les stars n’hésitent pas à se montrer serviables, elles rêvent de devenir des saintes. Cette « plus-value » du cœur semble un atout artistique. Elles suscitent sympathie car elles militent en faveur des déshérités.

Le Téléthon est la mise en scène d’une générosité hystérique. Les enfants atteints de maladie servent de prétexte alors qu’en fin de compte les héros sont les donateurs, c’est la société entière qui s’applaudit à travers leurs gestes. C’est un spectacle d’exagération et de célérité. C’est comme si on devait rattraper en deux jours un an d’égoïsme, se donner bonne conscience : la bonté doit se montrer. Plus les malades sont impotents, plus les bienfaiteurs gambadent, courent, pédalent comme s’ils voulaient s’assurer de leur parfaite santé. C’est le parfait exemple d’ambivalence envers les victimes : nous les plaignons sincèrement mais nous avons besoin d’elles pour nous aimer et nous racheter à travers leurs épreuves.

Il est donc facile pour les victimes de tomber dans le jeu des médias, elles qui sont vulnérables. Là où elles ont tiré le mauvais lot, elles peuvent penser que s’afficher est une bonne chose.

Un dernier exemple, juridique, celui de l’affaire Villemin. Christine Villemin avait dit cette phrase : "On croirait que les gens sont envieux des malheurs qui vous arrivent". La pertinence de cette remarque montre que cette jeune femme, doublement victime pusique mère d’un enfant tué et accusé à tort de l’avoir assassiné, a tout compris. Entre ses premières photos pour Paris-Match et les dernières, on voit la différence entre une petite provinciale et la star accomplie qui comprend le regard d’envie qu’elle suscite, et qui mieux encore, l’exprime lucidement et directement.

La notoriété que procure l’état de victime est de même nature que le criminel, c’est un narcissisme comme un autre. La victime peut devenir une star pour trois bénéfices : faire l’unanimité à cause du caractère sacré lié à son sort de victime, n’être plus contredite à cause de ce même état, être dans une demande jamais satisfaite et qu’il convient pourtant de satisfaire. En bref, pour la victime, la notoriété s’ajoute à la légitimité.

L’envie dont parlait C. Villemin est partagée pour beaucoup sans le dire. Pas pour toutes naturellement, dont certaines ont la sagesse ou l’héroisme de ne pas donner prise au cirque médiatique. Mais quelle formidable force faut-il pour refuser d’entrer dans la danse. Comment renoncer à un micro-tendu, une caméra braquée, cette provisoire impression d’existence ? Beaucoup de victimes sont devenues des acteurs médiatiques de leurs propres drames pour finalement occuper une place dans la société que le seule la catastrophe justifie, alors qu’avant elles étaient ordinaires ou sans mérites particuliers.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès