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Commentaire de Naja

sur La place des victimes sur la scène pénale


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Naja Naja 18 janvier 2009 11:26

@ L’auteur,

« Beaucoup de victimes sont devenues des acteurs médiatiques de leurs propres drames pour finalement occuper une place dans la société que le seule la catastrophe justifie, alors qu’avant elles étaient ordinaires ou sans mérites particuliers ».
Je vous ai demandé de citer des exemples concrets de ce type d’individus gonflés par la notoriété et vous n’en avez aucun. Tout juste vous en referrez-vous à un troupeau de misérables indistincts, dont vous avez tout oublié en dehors de la façon dont les médias ont présenté les faits dont ils ont été victimes (ou plutôt de ce que cela vous a inspiré). Ainsi que les participants du téléthon.
Va pour le téléthon alors. Pensez-vous sérieusement que les malades sont hissés au rang de héros adulés et intouchables qui abuseraient du pouvoir que vous attribuez à l’icône de la victime sacrée... par la médiatisation d’une collecte de don annuelle que personne n’est tenu de regarder ? Qui plus est, vous parliez jusque là des "victimes sur la scène pénale", ce qui exclut le téléthon.

La seule victime à qui vous êtes en mesure d’attribuer un nom, des propos et une position qui fut médiatisée est un contre exemple de ce que vous étiez censé illustrer... c’est dire combien votre image de victime idolâtrée est désincarnée !
Ce qui est assez stupéfiant dans les discours comme le votre, c’est que ceux qui les tiennent semblent toucher du doigt le fait qu’ils parlent du pouvoir d’un symbole que personne n’incarne dans la réalité... mais que cela ne les empêche pas d’identifier l’ensemble des personnes victimes à l’icône en question sans se demander qui l’utilise en réalité.

« Concernant les médias, parce qu’elles se succèdent, les actualités se concurrencent et ce qui nous bouleversait se dégrade en anecdotes. On banalise la représentation de l’épouvante. L’exhibition de l’effroi favorise une de nos pulsions : le voyeurisme. Il y a au bout de ces vues insoutenables de mutilations une apathie qui renaît. L’enfer devient à son tour monotone. [...]
Les médias sont donc les porteurs d’une morale héroïque et nous assomment d’une culpabilité aussi écrasante qu’abstraite : nous manquerons toujours à la solidarité qui nous lie à notre prochain. Notre époque est douce face aux misérables : on les élève sur un piédestal sans cesse, on rappelle le scandale de leur détresse. Dès lors, tout ce qui est souffrance demande à ce qu’on la combatte. Les stars n’hésitent pas à se montrer serviables, elles rêvent de devenir des saintes. Cette « plus-value » du cœur semble un atout artistique. Elles suscitent sympathie car elles militent en faveur des déshérités. »
Vous est-il déjà venu à l’esprit de vous demander qui s’exprimait dans ces médias que vous évoquez ?
Si vous le faites, vous vous apercevrez que ce sont très rarement les victimes qui s’y expriment pour parler de leur souffrance. Mais d’autres personnes qui parlent à leur place et s’octroieent ainsi le droit d’utiliser la souffrance d’autrui à leurs propres fins.
Ce qui donne tant de puissance à cette figure de la "victime au sommet de la gloire sacrée" (dont vous illustrez l’inconsistance avec brio), c’est bien que les victimes réelles n’y participent pas.
Rien n’est plus simple que d’attaquer une personne qui userait de sa propre souffrance pour se rendre célèbre, manipuler autrui ou l’opinion publique et en tirer un profit indû. En le faisant, elle exposerait la partie la plus blessée d’elle-même ce qui la placerait de fait dans une position de fragilité et de doutes. Il suffira de nier la réalité de sa souffrance, la tourner en ridicule et lui dire qu’elle étale impudiquement ses plaies nauséabondes en plublic (comme vous savez si bien faire) pour la faire taire. C’est d’autant plus facile et efficace que sa souffrance est profonde et sa plaie vous parait repoussante. Et contrairement à ce que vous affirmez en théorie, croyez bien que nombreux sont les gens qui n’hésitent pas à insulter les victimes et leur adresser mépris et condescendance pour les réduire au silence ! A commencer par vous.
Il est beaucoup plus difficile de critiquer quelqu’un qui se réfugie derrière la souffrance d’un autre et prétend oeuvrer à sa défense.

Plus haut vous m’accusez d’utiliser ma souffrance pour me donner tous les droits et interdire la critique. Vous proférez là une accusation infondée et a priroi proférée a priori et infondée (vous, l’impartial. épris de justice..), puisque je n’en ai pas parlé de ma souffrance et n’ai même pas mentionné de quoi j’avais été victime.
Mais c’est à peu près à cette instrumentalisation de la douleur que se livrent les politiciens quand ils prononcent leur discours de la peur puis justifient leurs mesures ou intentions sécuritaires au nom de la souffrance des victimes. C’est aussi ce que font tous les partisans de la peine de mort ou autres positions extrémiste. Et dans les deux cas, il n’est nullement question de l’intérêt des victimes. Il ne suffit pas de se proclamer porte parole pour l’être, ni de parler au nom de la souffrance d’un autre pour défendre et respecter ce dernier.

Ce que vous nommez "sacralisation des victimes" renvoie en réalité à l’instrumentalisation de la souffrance - réelle ou supposée - de celles-ci par d’autres.
Mais au lieu de vous en prendre aux personnes responsables de cette honteuse manipulation, vous persistez à reprocher aux victimes d’être ainsi utilisées. Sauf que leur participation à la manoeuvre s’arrête en réalité au simple fait d’exister en tant que victime, c’est à dire d’être des personnes en position de porter plainte pour des crimes ou des délits commis sur leur personne. Qu’à cela ne tienne ! C’est à cette existence humaine des victimes que vous vous attaquez.

Pour le bien commum, vous jugez nécessaire qu’aucune de nous ne manifeste ailleurs que dans la sphère du privé son humanité si malséante. Mais comme vous confondez le privé et l’intime, il en résulte que nous devons toutes cacher ce que vous avons vécu en dehors du cercle de nos intimes.
Une victime qui témoigne à l’audience d’un procès est pour vous quelqu’un qui "expose son intimité au public". Et si vous nous laissez quand même gracieusement la liberté de porter plainte, vous estimez préférable que personne ne nous voit, entende ou parle durant la procédure afin de ne pas risquer de voir l’impartialité des magistrats ou jurés altérée par la vision de la puanteur de nos plaies.
Sur ce, vous n’oubliez pas d’ajouter que c’est dans bien sur dans notre intérêt que vous prônez une exclusion si radicale. (Vous pensez sérieusement être crédible dans votre bien pensance alors que vous insultez globablement toutes les victimes par ailleurs ?) Peu importe, pour vous "le procès infecte [nos] plaies dans la réalité de leur chair" (alors qu’en réalité c’est l’inverse... mais vous en vous foutez bien.) et "L’univers juridique se transforme en une foire où les avocats racolent leurs clients, le persuadent de son malheur" (ce qui suppose que notre malheur n’existe pas en l’asbsence de racolage d’avocat). Ce serait vraiment trop farfelu de supposer dans vos préjugés que les attentes des victimes puissent être relatives à leur intérêt plutôt qu’à leur destruction ?

En bref, vous prônez une "saine" interdiction de notre expression et exclusion de notre participation à la vie collective.... que vous prononcez au nom de la justice et de l’égalité. Rien moins.
Et pour toute justification à votre délire, vous vous en referrez au procès d’intentions que vous faites aux victimes sur la base de positions, ressentis et attentes que leur prêtez en vous identifiant à elles. Et à aucun moment bien sûr, vous ne vous interrogez sur la légitimité que vous pouvez bien avoir à parler au nom de personnes dont directement, vous ne savez rien. Cela ne vous effleure même pas. Pas étonnant que vous soyiez incapable de remarquer que ce ne sont pas les victimes qui s’expriment dans les médias !

Si il vous est encore possible de marquer une petite pause dans votre développement totalitaire, pourquoi ne pas plutôt vous demander comment fonctionne cette intrumentalisation de notre souffrance qui s’opèrent en réalité dans notre silence ?
Ce serait sans doute beaucoup moins rigolo pour vous que de jongler avec des néologismes creux qui reviennent à nier les victimes dans leur humanité, parler à leur place et les insulter. Mais au moins, vous analyseriez un phénomène réel et non l’illusion que vous en formez à partir de faux-semblants politiques et de ce que vous vous imaginez tout seul en regardant la télé.


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