En essayant de rester objectif, de passer outre son dégoût, son désintérêt ou sa méfiance à l’égard de l’eurocratie technocratique (ou de la technocratie eurocrate) dont le bilan, humainement parlant, semble si désastreux que l’idéal de départ, "le marché entendu comme le garant de l’entente entre les peuples", n’est plus qu’une vue de l’esprit, une utopie trop remâchée...
L’Europe c’est en partie une question de géographie. Plus on s’éloigne de Bruxelles, moins on en voit la couleur. Par chez moi, en Provence, le drapeau occitan flotte au fronton des bâtiments officiels, tantôt à droite, tantôt à gauche du drapeau français. Son pendant est le drapeau européen mais c’est d’abord au drapeau occitan que l’on fait attention, parce qu’il s’agit de notre histoire, de notre identité, parce qu’il a la couleur du sang qui roule dans nos veines. Plus au sud c’est le Maure sur fond blanc qui flotte au fronton des édifices publics, en Corse l’Europe n’existe pas, ou alors c’est à la vieille République de Gênes que l’on se réfère en y pensant, pour peu que l’on soit un brin érudit.
L’Europe, par chez moi, est une entité bureaucratique, une de plus, dont les décisions nous paraissent d’autant plus arbitraires qu’elles sont le fait de gens que nous ne connaissons pas, qui ne savent rien de nos attentes, qui ne sont ni des ouvriers, ni des employés, ni des paysans, ni des intellectuels. Qui ne reflètent en rien le peuple que nous sommes. C’est une Europe qui roule pour la finance mafieuse, au service du capitalisme sauvage, une Europe qui n’a cessé d’appauvrir les peuples des pays de l’Est délivrés du communisme, et qui a fait croire à tous les autres qu’ils pouvaient accéder à la classe moyenne par le sortilège du crédit à la consommation. C’est une Europe qui a tué les acquis sociaux et répandu la précarité et l’exclusion comme une vilaine lèpre.
C’est une Europe que l’on voit de loin, qui nous paraît si loin de nous, et dont cependant nous savons qu’il nous faut la combattre. Non pour revenir à ce que nous étions avant elle, avant cet euro qui nous a été imposé et qui n’est qu’une énorme escoquerie. C’est cette Europe en place qu’il nous faut combattre. Pour un schéma à repenser sur des critères humains, et non brutement vénaux. Pour nous éviter la guerre civile qui tôt ou tard éclatera dans cette Europe qui était sensée nous garantir contre la guerre entre peuples.