Presque toutes les sociétés ont sanctionné les crimes les plus graves par la peine de mort. Pourtant, très tôt, on conteste sa capacité à dissuader chacun de commettre à nouveau les actes conduisant à un tel châtiment, et des arguments philosophiques, moraux ou religieux viennent s’opposer à une pratique considérée par certains comme barbare et indigne de l’humanité. Au cœur du débat, une question : " a-t-on le droit de tuer au nom de la justice ? ".
De l’orateur Diodote – qui, en 427 av. J.-C., plaide devant l’Assemblée athénienne contre l’application de la peine capitale dont il nie l’effet dissuasif – aux vaudois qui, dès le XIIe siècle, en demandent la prohibition, ils sont nombreux dans l’histoire à avoir protesté contre ce " droit de tuer " au nom de la justice.
C’est ce problème de l’amendement qui résume le mieux la problématique de l’abolition de la peine de mort. Si la société choisit de garder en vie des personnes au comportement nuisible, ce ne peut être en effet pour en faire des lions condamnés à la cage pour toujours. En supprimant la peine de mort, la société fait donc le pari qu’elle peut soigner et sauver ses membres déviants. Malheureusement, les moyens nécessaires à une réinsertion correcte des prisonniers sont presque toujours insuffisants. Les coûts financiers importants sont mal compris de l’opinion publique : on se souvient du tollé qui accompagne en France, dans les années 1980, l’installation de postes de télévision dans les établissements pénitentiaires. Il n’est pas rare d’entendre dénoncer les " prisons 4 étoiles " de la République…
Pour ma part je retiendrais en y adhérant sans réserve ce texte de Robert Badinter " Je déteste le crime, cette expression humaine et imbécile du malheur. Une société qui ne serait pas aberrante devrait sans cesse être préoccupée du malheur, comme du cancer ou de la tuberculose..
Mais on confond le crime avec les criminels. On emprisonne les criminels, on les tue même. Le crime ne disparaît pas pour autant. Au Moyen Age on mettait les lépreux à l’écart des villes, on les obligeait à porter des clochettes comme du bétail, pour qu’on les entende venir et puisse s’en écarter à temps. Il n’y avait pas de lépreux visibles. Mais la lèpre était toujours là, bien vivace, dans l’ombre. Nous en sommes encore au Moyen Age, quand il s’agit du crime, cette lèpre de notre société".