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Commentaire de Nycolas

sur Le crime d'inceste désormais au pénal ?


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Nycolas 29 janvier 2009 17:59

Je rejoins assez nettement votre commentaire philou17, la paranoïa rampante est au moins aussi préoccupante que les crimes sexuels, qui eux existent depuis longtemps. Ce n’est certes pas pour cela qu’il faut les remettre en cause, mais lorsque l’auteur pointe le fait que la société se déshumanise parce qu’il y aurait de plus en plus de crimes sexuels, je suis en désaccord. Tout montre que la criminalité sexuelle est en baisse constante, et heureusement, simplement parce que les consciences évoluent avec le temps, et non parce qu’on induit insidieusement des connotations morales dans les lois... ce qui n’est absolument pas leur rôle.

Par contre, quand je lis cela dans l’article, je suis tout simplement héberlué :

"Dans une réunion d’amis, sur 15 couples combien sont concernés ? C’est ce que vous finirez, un jour par vous demander. Ce jour-là vous serez sans doute plus prudent et plus mesuré dans vos tentatives de rationaliser ce crime."

Est-ce ce genre de chose que l’on doit considérer comme une avancée sociale, comme un progrès moral dont on doit indubitablement être fier ? Le fait de voir des coupables et des victimes partout, qu’est ce que cela apporte ? Qu’est-ce que cela engendre ? Quelqu’un qui se présente dans son profil comme un psy/anthropologue devrait en avoir quelque notion.

Cela nous fait avancer tout droit vers le Meilleur des Mondes, vers un hygiénisme autant moral que physique où tout le monde devrait être soupçonné, pour le bien de la société. Un monde où comme le fait justement remarquer philou17, l’on en vient à ne plus oser toucher les plus jeunes, voire pourquoi pas, les regarder. Cela va-t-il vraiment aller dans le sens d’un meilleur être de chacun ? Je ne le crois pas.

Dans le passé, j’ai moi aussi travaillé à la défense des droits de l’enfant, et je suis toujours aussi persuadé que c’est une cause importante pour l’humanisation de notre société. Mais on ne me fera pas tomber dans ce piège hygiéniste et paraoïaque qui consiste à induire l’inquiétude et la méfiance dans l’esprit des gens pour soi-disant leur faire croire qu’ils sont entourés de criminels, de violeurs, de gens malsains, etc.

C’est vrai que les chiffres des abus incestueux sont effarants quand on les voit (je les ai vus) mais je ne vois aucunement l’intérêt d’alarmer les gens, pour les encourager à tout criminaliser et à tout moraliser. On sait depuis l’ère judéo-chrétienne que cela induit aussi des perversions morales... à force de tout interdire, de tout dénigrer, de tout dénoncer, de tout montrer du doigt, on vivra dans un monde où plus personne n’osera rien faire, un monde de névrosés en somme, ou chacun sera culpabilisé et victimisé en même temps.

Je terminerai mon commentaire sur une anecdote qui date de l’époque où je travaillais entre autres pour un commité sur la déclaration des droits de l’enfant.

Mon supérieur hiérarchique de l’époque nous a tenu un laïus que je n’hésite pas à qualifier aujourd’hui de sidérant et de ridicule, bien qu’à l’époque, je n’en avais pas saisi la portée (cela remonte à 10 ans, soit un peu après l’affaire Dutroux). Il nous expliquait, se vantant à moi et à mes collègues, avec un grand sérieux, que dans la boite (un centre social) dans laquelle nous travaillions, il était l’un des seuls à pouvoir porter sur ces genoux une enfant du quartier sans être soupçonné... et il disait cela avec une sorte de fierté du travailleur social qui a gagné la reconnaissance de la population du quartier à la sueur de son travail (il était là depuis des années, et pas de l’ethnie dominante dans le quartier, disons).

Je ne sais pas si vous saisirez comme moi la gravité de ce propos, dans ce sens qu’il y a dix ans déjà, certaines personnes avaient conscience que la suspicion pesait déjà sur chacun... parents comme travailleurs sociaux... en ajoutant l’ironie du fait que si même des parents peuvent tromper la confiance de leurs enfants, comment prêter un crédit réel à la vantardise de cet homme qui, n’étant qu’un intermédiaire social, peut encore plus facilement qu’un parent être suspecté ?

Est-ce donc vraiment cette suspicion généralisée que nous voulons instaurer en moralisant et en criminalisant tout, et en allant jusqu’à modifier les lois en leur prêtant à tort un rôle de reconstruction de la psyché des victimes ? Le travail qui consiste à faire prendre conscience aux gens des ravages de tout abus n’est-il pas suffisant, au point de vue de l’ethique et de l’efficacité ?

Pour ma part il est clair qu’il y a beaucoup à faire pour alerter les gens sur ce genre de problème, qu’il y a aussi un travail de prévention et d’éducation à faire (certains n’ont même pas conscience de nuire ni de se lvirer à des abus... c’est peut-être effarant, mais c’est comme ça) mais il est certain que crier au loup sera inévitablement contre-productif, et produira des dérives pires que le mal...


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