À cbukate,
Chère Madame,
Ce que vous avez vécu me renvoie à la plus grande humilité pour vous répondre et parler de cette tragédie que je n’ai pas vécue et que vous avez vécue.
J’ai donc lu le message que vous avez bien voulu m’adresser avec le plus grand intérêt. Votre témoignage me confirme dans cette triste impression que les observateurs et journalistes ont souvent besoin de simplicité caricaturale et nient toute nuance (pour le Rwanda comme pour d’autres conflits de ce monde).
Je vous entends bien sur la sorte d’absurdité de la distinction "ethno-historico-raciale" entre tutsis et hutus que vous illustrez bien par votre cas personnel de "métissage" et de règles de la patrilinéarité. Vous rappelez les massacres nombreux qui ont émaillé la région bien avant LE génocide auquel vous avez échappé et il est vrai que cet aspect a été instrumentalisé par les analystes : il s’agissait de fait de relativiser le génocide de 1994, et de l’inscrire, un de plus, ni plus ni moins, dans la série des conflits ethniques africains classiques, voire consécutifs à la colonisation belge.
Je vous remercie de votre conseil et mise en garde face aux livres qui relatent ces questions. J’essaierai de lire celui que vous me conseillez.
J’avais évoqué le livre de Jean Hatzfeld car il était constitué de simples témoignages, que j’ai trouvés bouleversants (et éclairants). Et l’on y voit, en effet, que tous les hutus n’ont pas participé à la tuerie, bien évidemment. Mais il est fait malgré tout mention des "interahamwe" qui venaient "chauffer" les habitants et les entraîner à poursuivre les tutsis. Il m’avait semblé, à travers ce livre et quelques lectures, ainsi que ma mémoire des événements quand ils se sont produits, qu’il y eut une sorte de préméditation du massacre, même si peut-être, l’étendue du génocide n’avait peut être pas été planifiée…
Je ne sais pas…
Respectueusement,