• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Vilain petit canard

sur La spéciation, et le flou du concept d'espèce


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Vilain petit canard Vilain petit canard 18 février 2009 11:08

Bravo pour votre article clair et agréable. Et merci pourc cette cure de science lisible et simple.

Le problème avec le concept d’espèce et la théorie de l’évolution, c’est que ce sont deux approches techniquement opposées. Je m’explique. La notion d’espèce est une constatation a posteriori  : je constate des différences entre les êtres, et j’essaie de les décrire, et même de les classer. Je vais surtout les classer d’après des critères apparents, évidemment, puisque je ne vois pas les autres : d’où l’importance des couleurs, formes, et autres critères visuels, et la possibilité d’obtenir des hybrides, puisqu’on peut observer la reproduction. Aujourd’hui, on ajoute l’observation des gènes à cette activité, mais le principe est le même : je reste dans le présent, et j’observe de façon horizontale tout ce qu’il y a observer, puis je range dans des cases.

Avec la théorie de l’évolution, on part dans une autre direction : cette théorie essaie de répondre à la question "comment ça se fait qu’il y ait autant de différences observées entre les êtres vivants ?" Pour ce faire, je vais me projeter dans le temps (verticalement, si on veut), en définissant tout ce qui peut changer dans l’état actuel des espèces (laborieusement définies comme plus haut). Or je ne suis pas sûr que ces critères de définition des espèces (ces différences relevées chez les êtres) soient essentielles pour expliquer leur variabilité. Il va me falloir d’autres outils, et c’est là que la génétique apparaît. Je suis passé alors dans une approche a priori, soit : étant donné ce que je sais maintenant, et vu un génome donné, comment peut-il changer ? C’est ici que l’idée de mutation prend tout son sens.

Naturellement, pour être complet, il va falloir boucler le processus intellectuel : une fois éclairci (disons, formalisé) le mécanisme supposé de changement, on va reprendre les espèces du début, et vérifier que l’hypothèse de départ fonctionne, en expliquant grâce à elle les variations observées.

Du coup, ça remet en question nos classifications d’espèces, vu que des variations génomiques importantes n’entravent pas forcément la reproduction, et inversement, des variations géniques minimes bloquent tout passage entre deux variétés qui apparaissaient comme très proches. Vos exemples sont très parlants. Ils n’informent pas la théorie de l’évolution, mais la classification antérieure des espèces, comme vous le faites remarquer très justement.

Autre problème : manque de bol, dans l’explication par la théorie de l’évolution, les ratés du système, on ne les verra pas (puisqu’ils sont censés disparaître), il ne nous reste que les modifications "traçables", c’est-à-dire en fait les modifications qui ont pu se reproduire suffisamment pour laisser des traces.

Alors tout ça donne une impression bizarre, celle que l’évolution ne produit que des réussites. Et au plus haut de ces réussites apparentes, évidemment, l’Homme, sa Femme et son Gros Cerveau, le Roi du Monde, même que c’est pas un animal, faut pas mélanger.

D’où cette illusion d’optique qu’une mystérieuse volonté guide vers le succès des gènes malicieux (et humains). C’est comme si on étudiait les statistiques du loto en concluant : puisque tous les gagnants ont joué, tous les joueurs sont donc mystérieusement destinés à gagner, il doit y avoir une force organisatrice derrière le système du loto, qui doit immanquablement produire des gagnants. De là à y voir ce qu’on nous a raconté au catéchisme avec les Six Jours et le Gentil Barbu, en version plus techno, on va parfois un peu vite.

Voilà, je n’ai pu résister à ajouter mon petit développement. Mais la confusion actuelle entre le pourquoi (évolution), la description (diversité), et la théologie m’énervent prodigieusement.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès